Quelques réglages avant le départ...

[ Suite partielle de ‘Le Grand Rassemblement’ à Hutoo ]
[ HRP : Eh bah… j’ai pris l’initiative de dire qu’ils n’avaient plus besoin de nous… x) ]

Irshia s’était appuyée contre un mur non loin du bureau du chef d’Hutoo pour attendre Ran, avec qui elle devait discuter de son statut d’informatrice. Commençant à regretter son jus de pomme qu’elle avait donné au premier passant venu, elle réfléchissait à ce qu’il allait advenir de cette guerre tout juste débutée. En fait, Lademi Orena ne laissait qu’un choix limité au chef de l’archipel, puisqu’avoir cette femme en guise d’opposant ne devait pas être très souhaitable. Toutefois, la proposition qu’elle faisait à Heichi ne ravirait pas à ce dernier, ni aux citoyens de Hutoo qui suivaient leur chef pour défendre leur propre nation, et non pas en envahir une autre. Si le discours de Kurozaki avait été charmeur, c’était en partie grâce à cette optique de guerre préventive visant à empêcher Médiana de s’attaquer à l’archipel. Un chef honnête, droit, c’était ce qu’était Kurozaki, et il ne manquait pas de charmer les foules. Pourtant, ceux qui avaient un peu plus d’esprit pouvaient se douter qu’il y aurait forcément un débordement, et c’était pour cette raison que la Rejetée hésitait à apporter son soutien au chef d’Hutoo. Certes, l’archipel s’était rangé du côté de la majorité, et Médiana se retrouvait en guerre contre le reste de Vespéria, mais les Médians avaient eux mêmes des ressources insoupçonnées qu’il ne fallait pas sous-estimer. Et même si certains troubles semblaient agiter les hautes sphères médiannes, rien ne disait que ce pays allait perdre la guerre qui s’annonçait. La facilité avec laquelle les médians avaient commencé la conquête de Phoenixia en aurait fait hésiter plus d’un, pourtant Heihci semblait avoir foncé tête baissée en voyant l’opportunité d’ôter les armes à Médiana. Voire même plus, puisque m’idée de guerre qu’il proposait était trop utopique pour être réalisée, et Irshia lui avait déjà expliqué son point de vue là-dessus. Mais ce qui dérangeait encore plus l’informatrice aux cheveux blonds comme les blés, c’était que le chef d’Hutoo avait affirmé que c’était en partie de sa faute si il avait décidé de déclarer la guerre à Médiana…

Enfin bon, c’était involontaire de sa part, elle ne lui avait pas non plus dit de déclencher une autre Guerre éternelle en vue de protéger uniquement sa petite-fille… Car la tirade qu’elle avait fait au grand chef ne concernait qu’Akira et son pouvoir de Contractante, ni plus, ni moins. La Rejetée laissa échapper un soupir, regrettant une nouvelle fois son verre de jus de pomme, puis leva les yeux vers la porte du bureau, qui venait de s’ouvrir, pour laisse sortir Ran, qui, comme elle l’avait pensé, n’avait pas songé à espionner la conversation entre les trois autres protagonistes encore présents dans la pièce. Un citoyen exemplaire, c’était ce que Kurozaki avait dit… Le temps qui s’était déroulé entre la sortie du jeune homme et celle d’Irshia n’avait sûrement pas permis au jeune chasseur d’en entendre plus que ce que la Rejetée en avait entendu, ce qui faisait que Ran ne constituait pas une source d’informations, mais quelqu’un à surveiller, et surtout, à avertir. Le jeune homme semblait plus ou moins être plongé dans ses pensées et n’avait visiblement pas remarqué que la Rejetée l’attendait appuyée contre un mur non loin de là. Enfin, qui aurait pu lui dire qu’elle l’attendait ? D’autant plus qu’il ne semblait pas vraiment faire confiance à l’informatrice – il n’avait pas tort d’un côté – et qu’il ne désirait pas ainsi revoir sa tronche avant le lendemain, voire avant longtemps, puisqu’il ne connaissait rien des projets de la jeune femme. Cette dernière avait bien précisé au chef d’Hutoo que si il avait besoin d’elle, ce serait Shin’Kan qu’il devrait aller voir, et non pas aller la voir indirectement… De toute façon, si Heichi cherchait directement la jeune femme aux cheveux blonds, il ne la trouverait pas. La Rejetée se décolla du mur en coupant court à ses réflexions, puis suivit le jeune homme qui devait certainement se diriger vers le bateau de Heichi, ou autre part pour aller se préparer – enfin, il n’avait peut-être pas autant de préparatifs à faire que la jeune femme…

Une fois arrivée à une distance raisonnable, la Rejetée apostropha le jeune homme sans plus de cérémonies. Que ce soit avec le chef d’Hutoo ou avec Ran, elle emploierait toujours le même ton désinvolte, qui était à la fois un moyen de cacher ses vraies pensées – un peu comme son sourire – et à la fois une marque volontaire du fait qu’elle ne prenait aucune considération pour les positions hiérarchiques – ou presque, elle tenait quand même un minimum à la vie. Le jeune homme brun se retourna vers l’informatrice et lui répondit par une question qui relevait de la pure politesse – un truc du genre qu’Irshia n’aurait utilisé qu’avec de l’ironie – et par laquelle elle put noter un certain éloignement chez le jeune chasseur. Cette retenue – voire froideur – confirma les doutes d’Irshia à propos de la vision de Ran sur la Rejetée, ce qui, évidemment, n’allait pas faciliter les affaires. Mais bon, il n’était pas non plus son employeur, alors le monde ne tournait pas encore à l’envers. Pas encore.

- C’qu’on peut faire, déjà, c’est aller dans un endroit plus tranquille. Ah, et pas d’idées tordues, j’te préviens, ce genre de trucs pervers ne m’intéressent pas.

Sans vraiment attendre la réponse du jeune homme, elle l’entraîna à part dans un endroit plus tranquille, tout en se demandant si il n’allait quand même pas douter de sa parole, étant donné qu’il avait l’air d’être plutôt quelqu’un de très méfiant. Si méfiant que si elle lui avouait que l’une de ses principales valeurs était la franchise, il ne la croirait sûrement pas. Enfin bon, peu de personnes la croyaient quand elle leur affirmait qu’elle ne mentait pas… Mais bon, à vrai dire, elle en faisait presque son atout, pour jouer un jeu trompeur sans vraiment être hypocrite professionnelle… Une fois arrivée dans une rue tranquille non loin du port – c’est fou ce que c’est rare, les rues tranquilles, en temps de guerre – la Rejetée lâcha le jeune homme et planta son regard ambré dans celui de son interlocuteur.

- Bon, j’vais aller droit au but. J’suis pas là pour parler de la pluie et du beau temps, même si j’pense qu’on aura du soleil pendant quelques jours encore. Primo, j’me présente selon les règles habituelles, j’me nomme Irshia. Ensuite, pour passer aux choses sérieuses, j’voudrais savoir ce que tu sais sur moi, après cette petite entrevue avec l’grand chef. Tu as certainement pu en déduire que j’aime la discrétion, et que j’aime que l’on respecte cette discrétion…

Pour la présentation, il était vrai que la Rejetée et le jeune chasseur n’avaient pas connus leurs noms respectifs selon les convenances, puisqu’il se trouvaient dans le bureau du chef d’Hutoo et qu’ils n’avaient pas vraiment que ça à faire devant Kurozaki. Certes, Ran avait bien dû en déduire qu’elle se nommait Irshia au cours de la conversation, mais bon, elle préférait faire ainsi… Quant à la suite de ses propos, il s’agissait plus ou moins d’un avertissement, à la fois sur les activités de l’informatrice et sur son implication dans la guerre à venir. Effrayer le jeunot n’était pas dans ses priorités, et elle se doutait que les menaces directes sur ce genre de personnes n’était que moyennement efficace.

- J’peux te faire confiance ? demanda-t-elle de but en blanc.

La personne qui venait de l’interpeller n’était autre qu’Irshia, la femme qu’Heichi avait convoqué en même temps que lui dans son bureau. Ran ne connaissait pas vraiment les détails mais, de leur conversation dans le bureau, le jeune homme en avait déduit qu’elle était - en partie seulement - responsable de l’entrée en guerre de Hutoo. Vraisemblablement, c’était donc une femme importante. L’autre solution, si la première s’avérait fausse, revenait à se dire qu’elle était en possession d’informations assez pertinentes pour qu’Heichi mette sa vie et celles de tous les habitants de Hutoo en danger. En effet, Ran ne savait pas grand-chose d’elle, si ce n’était son prénom et sa profession : informatrice. Par associations d’idées, si cette guerre venait à mal tourner pour Hutoo, elle serait donc aussi un peu fautive. Le chef n’avait-il pas envisagé que, peut-être, cette jeune femme faisait tout pour faire sombrer Hutoo ? Il n’était pas impossible que tout ce qu’elle avait dit ou fait n’était rien d’autre qu’une manière de forcer leur pays à entrer en guerre…
C’était un raisonnement tordu et Ran se l’avouait volontiers. Seulement, la condition de contractant du chasseur avait empiré la méfiance que lui inspiraient les autres humains en général et, de temps en temps, il lui arrivait de voir certains dangers potentiels à des endroits où ils n’existaient pas. Le fait qu’il décide de partir en guerre n’aidait d’ailleurs en rien. Là-bas, les ennemis seraient réels et capables de choses que les animaux qu’ils chassaient ne pourraient même pas imaginer.

Enfin, pour le moment, avant de parler de choses si dramatiques, la question était de savoir ce qu’une femme comme elle pouvait bien lui vouloir à lui, présenté alors seulement comme un chasseur engagé dans l’armée qui, par hasard, aurait côtoyé la petite-fille du chef Kurozaki.

- C’qu’on peut faire, déjà, c’est aller dans un endroit plus tranquille. Ah, et pas d’idées tordues, j’te préviens, ce genre de trucs pervers ne m’intéressent pas.

Ran haussa un sourcil tandis qu’Irshia lui agrippait le bras et le tirait de force dans un lieu où la conversation se prêterait mieux. Le jeune homme qu’il était se demandait bien à quelle genre d’allusions l’informatrice faisait référence en parlant de « trucs pervers ». Zack, quant à lui, se serait volontiers laissé exploser de rire si seulement le silence n’était pas d’or.
N’ayant pas vraiment le choix, le jeune homme fut donc emmené jusqu’à une rue plus ou moins déserte. Ce n’était qu’une fois là-bas qu’Irshia concéda à lui lâcher le bras. De son côté, Ran n’avait toujours pas desserré l’étreinte qu’il exerçait sur sa lance. De son côté, l’informatrice planta son regard dans celui du chasseur avant d’enchaîner.

- Bon, j’vais aller droit au but. J’suis pas là pour parler de la pluie et du beau temps, même si j’pense qu’on aura du soleil pendant quelques jours encore. Primo, j’me présente selon les règles habituelles, j’me nomme Irshia. Ensuite, pour passer aux choses sérieuses, j’voudrais savoir ce que tu sais sur moi, après cette petite entrevue avec l’grand chef. Tu as certainement pu en déduire que j’aime la discrétion, et que j’aime que l’on respecte cette discrétion…

Elle ne perdait pas de temps en affaire. Le ton semi-amusé qu’elle utilisait ne permettait cependant pas de deviner si c’était à une menace ou à une demande que Ran avait à faire. Cela dit, si la seule chose qu’elle demandait de sa part était de la discrétion, elle n’allait pas être déçu. Lui-même ne demandait d’ailleurs que cela. Elle ne lui laissa pas le temps de répondre avant de poser une dernière question, celle qui permettrait enfin à Ran de comprendre le ton sur lequel cette demande était censée être comprise.

- J’peux te faire confiance ?

L’atmosphère sembla soudainement s’apaiser autour de lui. Elle ne le menaçait pas - tout du moins, pas encore - ; elle ne demandait qu’un peu de discrétion à son égard. Et bien soit, il n’aspirait lui-même qu’à cela. En outre, étant donné qu’il n’avait aucune raison de ne pas faire ce qu’elle espérait de lui, leur relation ne pouvait que s’améliorer.

- Aussi longtemps que mon nom n’apparaîtra sur aucun document que vous remettriez à quelqu’un, je n’ai aucune raison de parler de vous.

Sa voix toujours aussi grave n’était plus aussi neutre qu’à l’habitude, sans être très démonstrative non plus. En somme, il venait de lui faire comprendre qu’il échangerait son silence contre un autre. Sûrement Irshia n’aurait aucune raison de refuser.

- Pour vous répondre, je ne sais de toute manière pas grand-chose sur vous. Vous vous nommez Irshia et vous êtes informatrice. Il semblerait également que vous ayez une certaine influence sur Heichi Kurozaki, notre chef. Voilà tout ce que j’aurais pu dire. Je suppose cependant que cela aurait été suffisant pour que l’un de vos « collègues » vous retrouve.

Tout du long, il avait décidé de la vouvoyer, même si elle ne le faisait pas. En fait, pour être franc, il n’arrivait tout simplement pas à tutoyer cette jeune femme. Après tout, malgré le ton désinvolte qu’elle gardait constamment, Irshia semblait bien plus « dangereuse » qu’elle ne le laissait paraître et elle inspirait un certain respect.

[ Nos couleurs de paroles étant très similaires, j'ai dû choisir une couleur qui s'éloignait un peu de la tienne pour faire la différence... Je sais que ça n'a pas de véritable importance mais je le signale !
EDIT : comme j'avais mélangé les couleurs, ce que j'avais dit avant n'a plus de raison d'être ^^ ]

Ralala, mais quelle rigueur, quelle froideur ! C’en était presque exaspérant. Les êtres trop sérieux et s’apparentant aux glaçons étaient, au goût d’Irshia un peu trop courants en ce monde. Toutefois, elle reconnaissait bien le fait que quand il fallait être sérieux, c’est qu’il fallait vraiment l’être. Mais oh, pitié, elle n’avait que dix neuf ans, pas quarante balais. Elle se serait bien passée du vouvoiement, surtout de la part de quelqu’un d’aussi jeune que Ran. Mais bon, peut-être que celui-ci avait une intuition plutôt bonne, qui lui disait sûrement que la Rejetée n’était pas ce qu’elle paraissait être aux premiers abords. Ou sinon, c’était l’instinct. Enfin bon, non pas qu’Irshia lise quoi que ce soit dans les pensées du jeune homme – elle n’avait pas encore rencontré de Contractant possédant ce pouvoir – mais elle se doutait que c’était sûrement dû à cette ambiguïté de personnalité qu’elle aimait faire paraître, puisqu’elle appréciait être un minimum respectée par ses employeurs, en dépit du fait que, normalement, les mercenaires n’avaient cure de ce que pensaient ceux qui leur donnaient de l’argent – oui, car elle avait beau s’appeler informatrice, son statut n’était autre que celui de mercenaire, bien que spécial. Cependant, donner cette impression à Heichi était inutile, puisque le dirigeant d’Hutoo était quelqu’un d’honorable, qui avait en plus pris la peine de faire des recherches sur la Rejetée. Juste le minimum, d’après ce qu’elle pensait, mais il avait tout de même dû trouver deux trois trucs intéressants vu qu’il souhaitait avoir la jeune femme aux cheveux blonds de son côté lors des futures batailles contre Mediana. Elle n’avait donc pas eu à rappeler au chef Kurozaki qui elle était durant l’entretien, n’ayant proféré aucun rappel à l’ordre ou menace à cause d’une quelconque atteinte à sa personne ou à son statut. Elle n’avait fait qu’exprimer son point de vue, et il était vrai qu’il n’y avait eu que du sérieux dans ses paroles… Mais de là à garder une telle distance avec elle, c’était que le jeune homme devait être de nature méfiante. Comme quoi, elle lui ressemblait sur un point, même si cette méfiance n’était pas exprimée de la même manière. Elle, par exemple, avait préféré entraîner le jeune chasseur à l’écart et le mettre gentiment en garde plutôt que de le suivre à la trace, ou encore le tuer sur place – ce que Heichi n’aurait pas apprécié.

Ce que demandait Ran était plutôt… comment dire… embêtant. Mais en même temps, elle ne savait pas grand chose sur le jeune homme, et le fait qu’il vienne échanger son silence contre celui de la Rejetée intriguait cette dernière. Aux premiers abords, elle n’aurait pas du tout pensé à mentionner le nom d’un simple habitant d’Hutoo sur un quelconque rapport, sauf s’il s’agissait de rendre compte des relations qu’entretenait la petite fille du chef d’Hutoo – car on ne pouvait pas vraiment dire que Ran et Heichi étaient vraiment intimes… Vraiment, le jeune homme n’aurait peut-être pas dû affirmer une telle chose à l’informatrice au regard ambré, dont la curiosité était insatiable. Il n’allait pas sans dire que la jeune femme allait mener sa petite enquête sur le jeune homme, même si celui-ci lui demandait de garder le silence. Rien que pour elle-même, cela suffirait. Après tout, elle était bien indépendante, elle faisait ce qu’elle voulait, et apprenait ce qu’elle voulait sans rendre pour autant en permanence des comptes à quelqu’un. A noter donc sur un pense-bête, faire des recherches sur un certain Ran… Ran tout court, d’ailleurs, elle ignorait son nom de famille. D’ailleurs, le jeune homme n’avait pas consenti à se présenter dans les règles de bienséance – enfin plus ou moins, parce qu’avec Irshia, ce genre de chose était vague – comme elle l’avait fait elle au début de leur petit entretien. Rah mais, où était donc passée la politesse ? Enfin, elle n’était pas très bien placée pour les remarques de ce genre, mais elle aurait tout de même espéré quelque chose de la part du jeune chasseur. Enfin bon, ça lui apprendrait à placer un quelconque espoir en un jeune homme comme celui qu’elle avait en face d’elle.

Enfin, il semblait que dans d’autres domaines, le jeunot était tout de même meilleur. Dans la perspicacité, par exemple. Effectivement, avec le peu d’informations qu’il possédait, il pouvait aisément retrouver la Rejetée aux cheveux blonds si il en avait eu les compétences. Rien que le fait de savoir qu’elle était informatrice ayant une forte influence à Hutoo était un grand indice. En effet, une grande partie des contacts de la Rejetée venaient d’Hutoo, ou résidait à Hutoo. Sa sœur jumelle Malia, en première. Ryurik, installé à Phoenixia, mais rendant fréquemment visite à Malia. L’autre boulet qui avait perdu son pari mais qui ne voulait pas l’admettre. Bref, tout ceci n’était qu’un échantillon du bazar. A croire qu’elle avait monté tout un réseau de contact, ce qui n’était peut-être pas loin de la vérité. Mais cela ne pouvait pas vraiment être qualifé tel quel, vu que la plupart de ses contacts ne se connaissaient pas entre eux, et c’était tant mieux.. La jeune femme aux cheveux blonds comme les blés prit le temps de réfléchir, prenant le loisir de faire patienter deux minutes son interlocuteur. Que cachait ce dernier ? Si il s’avérait qu’il détenait un secret vraiment importait, elle regrettait de lui avoir donné sa parole, car elle ne trahissait jamais ses promesses, tout comme elle ne mentait jamais – ou très rarement. Irshia retint un soupir et tendit sa main au jeune homme qui se tenait devant lui.

- Que cacherait un citoyen modèle d’Hutoo ? ironisa-t-elle. Etrange requête, j’dois avouer…

Par ces propos, Irshia montrait bien que le cas de Ran l’intriguait au plus haut point – ou presque – et que le jeune homme avait peut-être eu tort de déclarer une telle chose devant quelqu’un aussi curieux que la jeune femme au regard ambré. M’enfin, ce qui était fait était fait, il ne pourrait rien y changer, à part en se cloîtrant chez lui en empêchant par tous les moyens possibles et imaginables Irshia de se renseigner sur son cas. Mais de toute façon, elle ferait ça plus tard, après avoir risqué sa vie en s’embarquant sur la flotte du grand chef d’Hutoo. Et qui dit qu’elle reviendrait en vie ? Enfin bon, rien ne l’empêchait d’avoir quelques projets pour l’avenir… Et de toute façon, sa décision était prise, elle couvrirait Ran, ce qui était en principe rare. Les seules personnes qu’elle couvrait étaient… Et là, illumination. Une idée de génie lui traversa l’esprit.

- Tu as ma parole, mon silence contre le tien.

*Et des projets pour l’avenir*

Oui, pour l’avenir, après l’expédition d’Hutoo. Après qu’elle soit revenue vivante, ainsi que Ran, parce que le projet qu’elle avait le concernant ne rimait à rien si le jeune homme mourrait. Enfin bon, libre à lui de lui serrer la main ou non, il faisait ce qu’il voulait de la confiance qu’elle lui accordait – dans les limites du raisonnable, tout de même. De toute façon, elle allait garder un œil sur lui les jours prochains, qu’il le veuille ou non, puisqu’elle avait décidé de monter à bord du Bourrin puisque Heichi lui avait laissé le choix du bateau qu’elle devait prendre. Le seul problème résidait dans le fait que les femmes n’étaient acceptées que dans deux bateaux dont le Bourrin ne faisait pas partie… Enfin, problème, Irshia avait déjà trouvé la solution, ce n’était donc qu’une façon de parler.

Une silhouette fantômatique s’avança dans la ruelle. C’était une fille, de petite taille, vêtu d’un simple tee-shirt et d’un jean troué, dont l’âge devait avoisiner les 18 ans. En dépit de sa carrure frêle, se dégageait de son visage une maturité qu’elle semblait avoir gagné au cours des dernières années qu’elle avait passées à Hutoo. Cette jeune femme, d’un an de moins qu’Irshia, n’était nulle autre qu’Ai Vân, la Contractante de la sœur jumelle de la Rejetée, Malia. Devenue Contractante en même temps que sa sœur – ce qui était exceptionnel – cette dernière n’était pas devenue, contrairement à sa cadette de quelques secondes, une Rejetée, et entretenait toujours des relations amicales avec sa sœur qui vadrouillait un peu partout dans le monde et qui ramenait parfois à sa sœur quelques fonds pour qu’elle puisse vivre aisément. Et en dépit des années qui s’étaient écoulées entre le moment où Malia et Irshia étaient devenues Contractantes, Ai Vân restait toujours immatérielle. Quelque chose entre la sœur jumelle d’Irshia et la jeune Chinoise bloquait leur relation, qui ne pouvait aller plus loin que le stade immatériel. Ce qui, parfois, possédait quelques avantages, puisque la Dominée asiatique pouvait ainsi se balader plus ou moins librement sans être vue. A y repenser, il était vrai que la ruelle dans laquelle Irshia avait entraîné le jeune homme n’était pas loin de la demeure de sa sœur. Pensant qu’elle était à l’abri des regards vespériens, la Dominée sous forme spectrale s’approcha d’Irshia, qui devait être la seule à pouvoir distinguer l’être spectral, selon ce que pensaient Ai Vân et Irshia. La jeune asiatique se mit à hauteur de la Rejetée, qui posa son regard ambré le plus discrètement possible sur la Contractante de sa sœur.

- Malia t’attend, elle a deviné ce que tu voulais faire. Les préparatifs sont prêts, il ne manque plus que toi, dit doucement Ai Vân à l’oreille de la Rejetée.

Cette dernière n’eut qu’un roulement affirmatif des yeux, puis Ai Vân s’écarta de quelques pas, attendant la jeune femme aux cheveux blonds. Le regard de l’informatrice se posa sur Ran. Côté discrétion, il était vrai que pour Malia, le moyen le plus simple de contacter Irshia était de passer par sa Contractante Ai Vân, en évitant les éventuels Contractors traînant dans les rues. Etant donné que la sœur jumelle d’Irshia ne pouvait se déplacer qu’à l’aide du pouvoir que lui avait conféré son pacte, elle préférait ne pas aller voir en personne sa sœur, mais l’appeler par ce moyen.

- Eh bien, très cher, j’vais te laisser à regret, l’devoir m’appelle ! Ah, et si t’as b’soin de moi, va voir Shin’Kan.

Même consigne que celle qu’elle avait donnée à Heichi. Après tout, c’était normal… Elle se retourna et fit quelques pas vers Ai Vân qui patientait, puis lui adressa un hochement de tête, afin que les deux filles commencent à partir en direction de la demeure de Malia Ryû N’Nedra… Enfin, si Ran n'avait rien contre.

[ C'est un long RP mais... J'ai peur d'en avoir fait trop. Si c'est un peu trop lourd, comme j'en ai bien peur par moment, dis-le moi : je me limiterai pour la suite.
Ah, aussi ! Dans le post précédent, je me suis trompé. C'est Zack qui parle en bleu et Ran en jaune. Je vais donc modifier ledit post précédent mais fais attention à ne pas tout mélanger =P ]

Encore plus qu’auparavant, Irshia semblait devenue très curieuse à son sujet. Avait-il trop parlé ? Non, pas vraiment. Si, comme Ran le pensait, Irshia les accompagnait véritablement sur le champ de bataille, il était évident que, même s’il cachait son identité au mieux, toutes les personnes présentes aujourd’hui dans le de bureau de Heichi devinerait rapidement qu’il était « l’homme qui contrôlait la terre ». Avec son talent naturel pour l’information, Irshia aurait d’ailleurs été probablement la première à le deviner. Ainsi, voir la jeune femme lui demander son silence n’aurait pu tomber mieux. À coup sûr, elle était celle qui aurait été la plus à même de détruire sa vie de petit chasseur tranquille. Par chance, il s’était donc avéré qu’elle tenait autant que lui à la discrétion et il avait maintenant quelque chose à échanger contre son silence. Pour autant, il préférait ne pas dire tout de suite à Irshia « Je suis un Contractor ». Que Heichi le sache était une chose, mais il n’allait pas le crier sur les toits à toutes les personnes avec lesquelles il parlait.
Finalement, après mûre réflexion de sa part, Irshia tendit la main, comme pour sceller leur accord. La remarque qui accompagnait son geste faisait bien comprendre qu’effectivement, elle semblait prête à mener sa propre enquête pour deviner ce qui se cachait derrière les propos du Destructeur Céleste. Peu importe ; qu’elle apprenne la vérité ce jour-là ou la semaine suivante ne changeait rien. En revanche, avoir sa parole était une chose beaucoup plus importante.

- Tu as ma parole, mon silence contre le tien.

À l’entente de cette affirmation, Ran n’hésita pas et empoigna la main d’Irshia. Pour le coup, il était peut-être un peu naïf mais il n’imaginait pas la jeune femme trahir sa promesse. En réalité, plus que la jeune femme en elle-même, c’était surtout en l’informatrice qu’il avait confiance. Un métier pareil devait nécessiter d’être capable de tenir ses engagements. Combien de temps durerait un informateur qui ne faisait que mentir à tout va ? Sans parler de cela, le Destructeur Céleste était au courant de choses qu’Irshia aurait tout fait pour faire taire. Ne lui restait donc que deux choix : lui faire confiance ou le tuer. Espérant que la jeune femme aux cheveux bonds n’était pas du genre à opter pour la deuxième solution, il suffisait maintenant de lui rendre cette confiance.

- De même, je ne laisserai aucune information filtrer à propos de vous.

Ran lâcha sa main au moment même où une silhouette fantomatique apparaissait à l’autre bout de la rue. Pour ne pas paraître suspect, son regard ne s’attarda pas plus d’une petite seconde sur cette moitié de Contractor. C’était une jeune femme, d’environ son âge, vêtue simplement. Pour être sous forme de fantôme, elle devait forcément occuper le même poste que Zack dans leur union et venait sûrement de la Terre. Il ne fallut d’ailleurs pas longtemps à l’albinos avant d'en déduire que cette dominée venait d’Asie. Dans tous les cas, Irshia n’était pas censée être en mesure de voir ce corps qui flottait et, aussi longtemps que l’asiatique ne tenterait rien, Ran n’avait aucune raison de se mêler de sa vie. Son dominé venait de deviner ce constat et décida de s’en mêler.

- Tu vas vraiment la laisser passer comme ça, sans rien faire… ?

La voix de Zack résonnait dans son crâne à un volume sonore très bas. Ran y devinait d’ailleurs une pointe de déception. En dehors d’Akira, le Contractor qu’ils formaient tous les deux n’avait jamais rencontré d’autres êtres comme eux et cela devait isoler Zack comme jamais il ne l’avait été de toute sa vie. Après tout, sur Terre, il avait toujours été entouré de dizaines et de dizaines de personnes. Ainsi, même s’il ne se souvenait plus de la moitié d’entre elles au moins, être isolé et ne pouvoir parler qu’avec Ran - qui n’était pas très causant, il fallait l’avouer - le frustrait un peu. Son dominant était parfaitement conscient des états d’âmes de son ami mais que pouvait-il y faire ? Il n’allait pas se mettre à la chasse aux contractants, d’autant plus que certains d’entre eux n’étaient pas dans le même camp qu’eux et chercheraient à les éliminer.

Dans le cas présent, et même si cela déplaisait fortement à Zack, Ran avait donc prévu de faire comme s’il n’avait pas vu la jeune asiatique. En revanche, ce qu’il ne pouvait pas ignorer, c’était qu’à tout contractant immatériel existait une personne matérielle qui l’accompagnait. Ignorer le fantôme ne serait donc pas suffisant. Il fallait aussi se méfier des personnes qui passeraient par ici. Pourtant, un coup d’œil discret indiqua au Destructeur Céleste qu’ils étaient bien seuls ici. Cette contractante devait donc se promener seule, même si cela était dangereux. En effet, Ran comme Zack ne connaissaient pas l’existence des Rejetés et cette idée ne les traversa pas le moins du monde. Etrangement, l’idée qu’Irshia puisse être la dominante matérielle ne les frappa pas avant que l’asiatique s’arrête à son niveau.

- Elles… elles sont ensembles ?

Encore une fois, c’était une question à laquelle Ran ne pouvait pas répondre. Tout ce qu’il pouvait faire pour le moment, c’était observer les réactions qu’elles avaient, l’une comme l’autre.
Le doute se transforma d’ailleurs en certitude quand, dans un geste qui serait passé totalement inaperçu s’il ne le cherchait pas, Irshia déposa brièvement son regard sur ce qui passait maintenant pour sa dominée. Une fois de plus, le chasseur qu’était Ran garda son masque d’indifférence. Savoir qu’Irshia était une contractante ne changeait pas grand-chose, si ce n’était que cela pouvait expliquer son assurance face à Heichi ou encore à lui. Sans laisser transparaître le moindre petit indice - Ran était un expert dans ce domaine -, Zack et lui observèrent l’asiatique échanger quelques paroles inaudibles à Irshia. Quoi qu’il fut dit, cela eut le mérite de décider l’informatrice à mettre les voiles.

- Eh bien, très cher, j’vais te laisser à regret, l’devoir m’appelle ! Ah, et si t’as b’soin de moi, va voir Shin’Kan.

Sur ces mots, elle se retourna et fit quelques pas vers sa dominée. Vraisemblablement, Irshia ne leur en voulait donc pas. Pour le moment, tout du moins ; peut-être cela changerait si elle apprenait qu’ils partageaient ce statut de Contractor. Pour cette raison, Ran semblait toujours décidé à ne rien dire, idée que Zack ne partageait pas du tout. Tandis qu’elles s’éloignaient, l’albinos tenta de convaincre son dominant.

- Tu ne vas pas les arrêter ? Elles pourraient peut-être nous aider ! Et nous n’avons aucune raison de nous cacher de deux autres contractantes ! Allez, Ran… !

Visiblement, Zack n’en était pas venu aux même conclusions que lui. Maintenant, même s’il se sentait plus à l’aise en la présence d’Irshia, il n’avait pas envie de faire quelque chose qu’il risquait de regretter plus tard. Si, après avoir passé quelques temps avec lui, il se rendait compte qu’elle était digne de confiance, à ce moment là, il lui parlerait de Zack. En attendant, il préférait rester prudent.

- Au revoir, Irshia.

Cette fois, c’en fut trop pour Zack, qui bouillait intérieurement de voir son ami faire preuve d’autant de méfiance.

- Si tu ne le fais pas, je le ferai moi !

Joignant le geste aux paroles, l’albinos matérialisa son corps fantomatique sans que Ran n’ait le temps de protester.

- Irshia, attends !

La voix de Zack étant d’un genre tout autre que celle de Ran, Irshia tilta immédiatement et se retourna une nouvelle fois dans leur direction.

- Mon idiot de contractant pensait qu’on ne pouvait pas te faire confiance tout de suite mais je ne vois pas pourquoi je serai obligé de l’écouter !

Complètement résigné, Ran avança de quelques pas pour être au même niveau que son contractant. Maintenant que le secret n’en était plus un, il n’y avait plus aucune raison de rester silencieux, même s'il était profondément contrarié de la liberté que venait de prendre Zack.

- Je savais que vous l’auriez appris tôt ou tard mais j’espérais que cela ne serait pas tout de suite. Vous savez maintenant ce que je cherche à cacher. J’espère que vous ne trahirez pas votre parole.

Sans écouter le discours sérieux du chasseur, Zack ouvrit les hostilités. Cela faisait décidément trop longtemps qu’il était silencieux, « coincé » dans le corps de Ran.

- Je suis Zack ! Et comment s’appelle la charmante demoiselle qui t’accompagne, Irshia ?

Ran soupira légèrement devant l’enthousiasme de son contractant - qui affichait d’ailleurs un grand sourire -. L’expression « Chassez le naturel, il revient au galop » pouvait s’appliquer de manière ô combien réaliste sur l’albinos. Zack était tout bonnement incapable de se tenir correctement avec des jeunes femmes. Savoir qu’elles étaient elles aussi des contractantes avait brisé toute la retenue qu’il s’efforçait de maintenir, au grand damne de Ran.
Les deux jeunes hommes étaient diamétralement opposés. L’un vouvoyait, restait calme et maître de lui, tandis que l’autre tutoyait sans gêne et paraissait légèrement excentrique. D’ailleurs, si cette combine marchait plutôt bien dans son district des Etats-Unis, Ran attendait avec curiosité de voir comment réagirait les deux jeunes femmes face à ses manières d’être. Même Ran pourrait difficilement retenir un sourire si elles l’envoyaient proprement sur les roses.

[ HRP : Ola, t'inquiète pas x) Si ça me gênait, la première personne vers laquelle je me plaindrais serait moi ^^' S'améliorer en Rp n'est pas une mauvaise chose :p (oui, j'ayme lire les longs Rps x) ) ]

Finalement, le jeune homme avait pris sa main aussitôt qu’elle l’avait tendue, ce qui aurait arraché un sourire à la jeune femme si celui-ci n’était déjà pas présent sur ses lèvres en permanence. Elle entrevoyait à présent – peut-être qu’elle se trompait – le genre de personne qu’était son interlocuteur. Quelqu’un de calme, réservé, réfléchi, ne cherchant sûrement pas les ennuis, mais qui au fond devait avoir un cœur bon, honnête. Certes, cet empressement pouvait aussi être perçu comme louche chez les personnes de type paranoïaque, mais Irshia doutait du fait que cette confiance qu’elle accordait elle-même au jeune homme était mal placée. Il n’avait vraiment pas la tête ou le comportement d’un homme susceptible de trahir sa parole. Elle, par contre, était souvent considérée à tort comme être indigne de confiance, puisqu’elle pouvait si elle le voulait vendre toutes les informations qu’elles apprenaient à droite et à gauche sans se soucier d’un quelconque secret professionnel, ou truc du style qu’elle avait inventé elle-même. Certains informateurs n’hésitaient pas à trahir leurs promesses en vue de faire des profits, surtout lorsque les promesses en question étaient faites avec des gens comme Ran dépourvus de pouvoir politique, mais Irshia, en dépit d’un désintéressement à un degré assez élevé à propos des sentiments des gens, n’étaient pas comme eux. Ceux qu’elle dénigrait et qu’elle vendait volontiers aux autres n’étaient pas ceux auxquelles elle faisait des promesses… et ces personnes étaient en principe inintéressantes au plus haut point. Or, Ran n’était pas dans ce cas-là… En tout cas, lui aussi devait être du genre à ne pas trahir ses promesses, et c’était un bon point de départ. C’était en s’éloignant en compagnie de Ai Vân que ces pensées étaient venues plus ou moins à l’esprit de la Rejetée, qui pensait n’avoir de nouveau affaire au jeune chasseur que lors de l’embarquement des troupes de Hutoo, dont elle ferait plus ou moins partie. Le simple au revoir que lui adressa le chasseur finit par confirmer sa pensée, que Ran n’avait plus rien à régler avec elle.

Ai Vân elle aussi s’était retournée, dos à Ran, pour commencer à marcher – ou plutôt léviter – au côté d’Irshia et la mener à la demeure de la sœur jumelle de la Rejetée qui se trouvait non loin de là. De ce fait, aucune des deux jeunes femmes ne virent le corps fantomatique se matérialiser aux côtés de Ran, avant qu’une voix différente de celle du chasseur ne s’éleva pour interpeller l’informatrice. Cette dernière se retourna vivement en entendant son nom être prononcé par une voix qu’elle ne connaissait pas – cela aurait très bien pu être la voix de l’une de ses connaissances d’Hutoo, mais non – et son regard ambré se posa sur le corps immatériel qui s’était éloigné de son dominé pour s’approcher des deux jeunes femmes. Parmi tous les contacts d’Irshia, seule sa sœur, Malia, était une Contractor. Les autres étaient de simples humains, qui n’étaient même pas Rejetés, ce qui n’était pas étonnant puisque, théoriquement, l’apparition d’un Contractor était un phénomène assez rare. Les sourcils blonds de la Rejetée se soulevèrent sous l’effet de l’étonnement, puisque cela faisait un bon moment qu’elle avait abandonné l’idée que Ran soit un Contractor potentiel. Le jeune chasseur devait être excessivement paranoïaque pour ne pas laisser parler ou sortir son Contractant… ou alors, quelque chose était arrivé à ces deux-là durant leur expérience commune, qui pouvait influencer sur leur comportement vis à vis de leur entourage. Après tout, Irshia elle-même en avait fait l’expérience, que d’être repérée en tant qu’arme potentielle au service d’on ne savait quelle organisation scientifique secrète. La jeune Asiatique s’était elle aussi retournée, surprise de voir un autre dominé apparaître sous sa forme immatérielle dans la rue. Ses yeux noirs semblèrent adresser des excuses muettes à l’adresse d’Irshia, qui ne manquerait sûrement pas de rappeler avec quelle prudence Ai Vân devait se balader sous forme immatérielle dans les rues de Zirand. Cette sorte de message silencieux ne fut que vaguement capté par la Rejetée dont toute l’attention était focalisée sur le dominé du jeune chasseur.

Plutôt bien bâti, la première caractéristique physique du Terrien que l’on remarquait lorsque l’on posait les yeux sur lui était la couleur de ses yeux, ainsi que celle de ses cheveux. Alliées à la blancheur de sa peau, on pouvait aisément deviner que le jeune homme vêtu d’une veste blanche et rouge et d’un jean noir était un albinos. Ses traits étaient bien différents de ceux d’Ai Vân, chez laquelle le type asiatique ressortait parfaitement. Ce dominé devait sûrement venir d’Europe, ou des Etats-Unis, selon ce qu’avait raconté Syl à son ancienne Contractante, Irshia – Syl à présent défunte. Le même constat se faisait dans l’esprit de la jeune Chinoise, qui ne put s’empêcher de ressentir un mélange d’admiration et de gêne à l’égard de son compatriote terrien, qui venait de l’Occident, de l’endroit où tous ceux qui vivaient dans les pays plus ou moins pauvres rêvaient d’aller, et qui, dans l’impossibilité de le faire, participaient au phénomène d’exode rural, comme elle l’avait fait elle-même avec sa famille. Irshia, elle, n’en savait pas autant sur les contrastes existant entre les différents pays de la Terre, et se demandait juste de quelle façon allait réagir la dominée de sa sœur, d’autant plus que si leurs deux interlocuteurs étaient ensemble, il y avait de fortes chances qu’ils aient pris Irshia pour la dominante de Ai Vân… Au moins qu’ils ne connaissent l’existence des Rejetés, même si les circonstances faisaient réellement passer la Chinoise pour la Contractante de l’informatrice aux yeux ambrés.

Visiblement, le jeune albinos n’était pas de nature aussi méfiante et réservée que l’était Ran. Dans ses propos, on pouvait de suite distinguer une différence de caractère entre les deux jeunes hommes, notamment au niveau de leur considération mutuelle, ou de la considération d’un(e) autre. Le dominé du jeune chasseur n’hésitait effectivement pas à tutoyer l’informatrice, alors que Ran restait toujours aussi distant en dépit de leur promesse. Un sourire amusé s’étira sur les lèvres de la Rejetée en entendant le jeune homme traiter son dominant d’idiot, en raison d’une méfiance mal placée – mais après tout, d’un côté, le jeune chasseur n’avait pas tout à fait tort. L’idiot en question s’avança aux côtés de l’albinos et prit à son tour la parole, mettant en avant le flagrant contraste qui existait entre lui et son Contractant. Mais il était vrai qu’Irshia comprenait à présent la raison pour laquelle Ran souhaitait se faire discret, et en dépit de la manière dont l’albinos avait traité son dominant, elle devinait aisément qu’il était d’accord avec le jeune chasseur dans son projet de se faire discret. Les Contractors n’étaient toujours pas vus d’un bon œil…

- J’comprends, répondit l’informatrice. Hey, tu caches bien ton jeu, en fait ! Et n’va pas croire que j’suis le genre d’personne à donner ma parole à la légère, ou à jeter mes promesses par la f’nêtre !

Le sourire présent sur les lèvres d’Irshia s’élargit lorsqu’elle entendit le dominé se présenter sous le nom de Zack, et surtout, poser une question formulée d’une manière plutôt comique aux yeux de la Rejetée, qui ne tarda pas à éclater d’un rire franc. Voilà qui changeait de Ran, le jeune citoyen modèle d’Hutoo et un peu trop coincé à son goût – même si cela pouvait s’avérer être une qualité utile, elle l’accordait. Le regard ambré de la Rejetée se posa sur Ai Vân, embarrassée, et n’hésita pas à en rajouter – à vrai dire, la jeune asiatique n’était pas vraiment habituée à recevoir des compliments de la part des Apollons européens ou américains.

- On dirait que la charmante Ai Vân a une touche, fit Irshia avec un sourire narquois.

La jeune Chinoise ne tarda pas à fusiller la Rejetée du regard, tout en évitant celui rubis de Zack. De son point de vue, ce dernier était plutôt beau gosse, d’autant plus qu’elle n’avait pas vraiment l’habitude de poser les yeux sur tous les garçons qui passaient lorsqu’elle vivait en Chine. Certes, elle pouvait à présent voir une multitude de Vespériens passer sous la fenêtre de la demeure de Malia, mais à vrai dire, cela ne l’avait jamais vraiment intéressée. Bref, en résumé, cela la rendait vraiment confuse, que de croiser un autre Terrien, sous forme immatérielle, comme elle, et dont elle ne pouvait s’empêcher, quelque part de se sentir proche, comme elle l’avait été avec Syl, l’ancienne Contractante d’Irshia. Chose qui faisait ressortir le côté pré-adulte d’Irshia, qui n’avait après tout que 19 ans, et qui s’amusait vraiment à voir Zack en train de draguer la Contractante de sa sœur.

- C’est pas drôle, grommela Ai Vân en chinois, tant elle était perturbée. Ca se fait beaucoup en Europe ? continua la Chinoise en vespérien, reprenant contenance. Ca fait de drôles de manières… Euh, Irshia, on n’avait pas d’autres choses à faire ?

La Rejetée regardait toujours d’un œil amusé la Contractante de sa sœur tenter de reprendre contenance. Elle hésitait entre retourner aux choses sérieuses et envoyer balader Zack, ou laisser Ai Vân se débrouiller toute seule face à l’envahisseur occidental. Après tout, les préparations à faire avec Malia pouvaient être vite effectuées si l’on s’y prenait bien, alors on ne pouvait pas dire que la sœur jumelle de la dominante soit vraiment en train de prendre un réel retard…

- Haaa, mais prends tout ton temps… répondit malicieusement Irshia. On n’est pas si pressée que ça… Ran, j’imagine qu’tu n’voudras pas m’en dire plus sur ton statut de Contractant…

Oui, sa curiosité ne se limitait pas à savoir que Ran était un Contractor, et Zack son dominé. Certes, elle aurait peut-être l’occasion d’en voir plus sur les champs de bataille – si elle s’y aventurait – mais qui ne tentait rien n’avait rien, aussi tentait-elle d’en apprendre par la bouche de Ran, ou au pire, de celle de Zack. Quant à elle, elle n’avait rien dit à propos de son statut de Rejetée, mais n’avait pas non plus affirmé être la Contractante d’Ai Vân… Cette dernière non plus ne disait rien à ce propos, et les deux savaient pourquoi. Irshia ne mentait certes pas, mais ne disait pas tout non plus.

[ Ce n’est pas le fait qu’il soit long qui me dérangeait… C’est juste que je trouvais mon post un peu lourd, et j’avais peur qu’il soit quelque peu ch*ant. Enfin, si tu as aimé, tant mieux =D ]

Même si ce n’était pas vraiment le but premier, l’arrivée de Zack refléta parfaitement la personnalité du personnage. Pour résumer, elle avait donc été bruyante et excentrique. L’albinos ne put d’ailleurs réprimer un grand sourire lorsque la surprise déforma les traits de l’informatrice. Jusqu’ici, et ce même si elle gardait constamment une attitude désinvolte, l’informatrice avait toujours donné l’impression de maîtriser son environnement. Avoir réussi à briser cette impression donnait à Zack un étrange sentiment de satisfaction que seule une personne comme lui pourrait comprendre.
Ainsi, Irshia et sa contractante se tournèrent dans sa direction et l’analysèrent de la tête au pied. Cette fois encore, le terrien était heureux de l’impression qu’il laissait. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas senti le regard d’une jeune femme le détailler. Ce n’était d’ailleurs qu’à cet instant qu’il se rendit compte à quel point cela avait pu lui manquer ! Pour un peu, il aurait pris la pose. Heureusement, Zack avait appris à faire preuve de retenue en compagnie de Ran, son contractant, dans le seul but de le ménager. À bien y réfléchir, le chasseur était d’ailleurs la seule personne dont se souciait l’albinos. Avant de le connaître, Zack n’avait jamais pris la peine de faire quelque chose qui ne lui plaisait pas, ou même tout simplement de se limiter. Non, en réalité, le jeune homme qu’il était n’avait jamais cédé quoi que ce soit à personne. Pourtant, le chasseur ne lui avait jamais rien demandé. L’albinos avait pris cette décision de lui-même, inconsciemment. Était-ce la capacité de Ran à le freiner sans même le vouloir qui avait fait de lui son contractant ? Ni l’un ni l’autre ne se posait vraiment la question. Ils se contentaient juste de vivre avec, profitant des avantages, encaissant les inconvénients.

Ainsi donc, après une arrivée en fanfare de la part de son contractant, Ran fit à son tour part de ses inquiétudes à Irshia. Maintenant qu’elle connaissait leur secret, il fallait encore plus qu’avant s’assurer de sa fiabilité. Heureusement, sur ce point, Irshia semblait être exactement sur la même longueur d’ondes que lui, même si elle prenait le tout avec le sourire. Même dans l’état de surexcitation qu’il était, Zack écouta attentivement la réponse de l’informatrice à son dominant. Satisfait de sa réponse, il se tourna vers ledit dominant.

- Tu vois ? Je te l’avais dit qu’on pouvait lui faire confiance ! Heureusement que je suis là. Sinon, tu nous ferais des crises de paranoïa.

Ran soupira. Zack ne s’était-il jamais dit que c’était sa présence qui rendait le chasseur si paranoïaque ? Sans parler de cela, ce n’était pas parce que quelqu’un promettait de ne pas trahir sa parole qu’il ne le ferait pas. Dans quel monde vivait Zack ? N’était-il pas un peu trop… naïf, par moment ?
… Après quelques secondes de réflexion, Ran comprit que le problème était tout autre. Depuis toujours, Zack n’avait jamais été en position de faiblesse. Si quelqu’un le défiait, il le confrontait et en sortait toujours vainqueur. Pour le coup, l’albinos devait avoir une confiance en lui inébranlable et ne comprenait pas que sa vie d’avant n’existait plus. Face à un autre Contractor, ses poings ne le sauveraient pas toujours.
Enfin, dans le cas présent, Ran avouait volontiers qu’Irshia inspirait vraiment confiance. Pour une raison totalement absurde, il avait envie de la croire.

- Très bien. Je vous crois, Irshia.

Sentant que la conversation devenait trop sérieuse à son goût, Zack n’attendit pas une seule seconde de plus pour se présenter et adresser une question dissimulée derrière un compliment. Comme il le souhaitait, l’ambiance se détendit aussitôt et un sourire encore plus grand fut même arraché à Irshia. Ce qui semblait être sa contractante était quant à elle très embarrassée de recevoir un compliment du jeune homme qu’était l’albinos. Fier de voir que sa capacité à troubler les jeunes filles était toujours intact, Zack préféra la laisser mariner avant d’en rajouter une couche.
Ainsi, conformément à cette idée, il observa la fameuse Ai Vân - parce que c’était son nom - en proie à un embarras certain. Le sourire mi-moqueur, mi-amusé du jeune homme s’élargit encore plus lorsque, de son côté, Irshia en profita pour enfoncer le clou davantage. En revanche, l’écoute de l’américain s’arrêta aussitôt qu’elle reprit son sérieux en s’adressant à Ran. Puisqu’il était en train de s’amuser, il n’avait pas envie de s’arrêter en si bon chemin. Il se tourna vers la dominée d’Irshia.

- Tu es une véritable asiatique, alors ? Sinon, tu ne parlerais pas de l’Europe comme tu le fais. D’ailleurs, en ce qui les concerne, je ne sais pas grand-chose car je suis américain, moi ! Mais ne te fais pas d’illusions : tous les américains ne sont pas aussi beau et charmeur que moi !

Ran n’en croyait pas ses yeux. Il avait beau avoir vu son contractant faire ce genre de choses un nombre impressionnant de fois dans ses rêves, le voir faire depuis des yeux extérieurs était tout autre. Plus que cela, le chasseur avait fini par se persuader que Zack n’était peut-être plus le même que celui qu’il avait connu à travers ses songes. Visiblement, c’était une foncière erreur. Voir Zack s’adonner à ce genre de pratiques le mettaient d’ailleurs mal à l’aise plus que ce que cela le faisait rire. Heureusement, son masque d’indifférence habituel cachait cette sorte de malaise.
Et puis, sans parler de ce masque d’indifférence, Irshia lui donna une bonne raison de se concentrer sur autre chose. En effet, elle venait de lui demander des informations supplémentaires sur son statut de contractant, une chose à laquelle il ne tenait pas plus que cela. Pourtant, les choses étaient différentes avec Irshia. Il semblait prêt à faire des concessions si la jeune femme en faisait autant. Comme il y avait quelques minutes, une raison totalement absurde lui disait qu’elle ne trahirait pas sa confiance. Peut-être même pourrait-elle l’aider à dissimuler son identité… ? Cela ne coûtait rien de lui demander.

- Il y a certaines choses que je ne peux pas te dire sans contrepartie, Irshia. Je me limiterai pour le moment à te dire que nous sommes des contractants depuis quelques mois déjà et que nous en sommes au même stade que toi. Je ne t’en dirai plus que si tu concèdes toi aussi à m’en dire plus sur ta contractante et toi.

Pour résumer ce qu’il venait de dire, il n’était prêt à lui en dévoiler plus sur la nature de son pouvoir que si elle en faisait de même. Irshia aurait probablement fini par le découvrir toute seule sur le champ de bataille mais Ran espérait qu’elle serait assez curieuse pour ne pas avoir envie d’attendre jusque-là. Dans le cas contraire, il serait probablement impossible de découvrir la nature véritable de son pouvoir. Après tout, s’il n’était pas offensif, elle n’avait aucune raison de l’utiliser dans une guerre et un pouvoir d’un autre genre serait indétectable. Ou presque, cela dépendait de la personne qui l’utilisait. Ne restait qu’à espérer que Zack ne chercherait pas à épater sa « nouvelle amie » en faisant étalage de ses capacités.

Maintenant, et ce même s’il n’était pas en mesure de demander quoi que ce soit, Ran en vint à la demande qu’il souhaitait formuler à l’informatrice. En tant que tel, elle aurait peut-être des moyens de le rendre plus discret. Sa voix s’adoucit, tout comme ses traits. Son expression méfiante fit place à une visage neutre sans être très sympathique.

- J’ai… un service à te demander, Irshia. En… en tant qu’informatrice, tu dois connaître certains moyens pour passer inaperçu. Est-ce que tu pourrais m’aider à dissimuler un minimum mon identité ? J’ai peur qu’en apprenant que je suis un contractant, certaines personnes n’en viennent à me chercher pour me forcer à utiliser mon pouvoir dans leur intérêt. Nous dirons que nous sommes, Zack et moi, capables de détruire les choses assez facilement et nous ne pourrons pas passer inaperçu dans un combat. Pourtant, je ne peux pas ne pas l’utiliser. Il limiterait sûrement les pertes de notre côté et rendrait le combat moins sanglant.

Il fit une pause pour laisser à Irshia le temps de rassembler les informations qu’il avait disséminé à travers tout son monologue. De leur côté, Zack et Ai Vân ne semblait pas trop s’intéresser à ce qui se disait ici. Tout du moins, c’était le cas de l’albinos, à coup sûr.
Avant de laisser à Irshia une certaine sensation de supériorité, Ran s’empressa cependant d’ajouter un dernier petit détail.

- Sache tout de suite que je ne fais que te demander un conseil. Je n’ai rien à échanger en retour. Si tu as besoin de moi, je pourrai peut-être être en mesure de t’aider mais je n’ai rien de plus à donner.

Sa légère paranoïa était de retour. Il avait tout simplement pensé que les parfaits inconnus comme Irshia ne pouvaient pas en venir à l’aider sans contrepartie. Il avait peut-être tord… mais n’avait pas envie de prendre le risque. La réponse de l’informatrice lui prouverait peut-être le contraire… Peut-être.
En tout cas, chose certaine : c'était bien la première fois que Ran était plus bavard que Zack.

[ Youhou ! Tes RPs sont supers ! Ils m’inspirent bien, à chaque fois ! Je fais pleeeeein de longs RPs ! J’espère que celui-ci t'aura plu, en tout cas =D ]

[ HRP : Uhuhu, j'aime bien Rp avec toi, tu fais des posts intéressants x) ]

Irshia avait deviné juste, Ran était du genre paranoïaque, ce qui n’était, au final, pas si étonnant que cela. M’enfin, tout de même, à cet page, si l’on ne profitait plus de la vie… Enfin, de ce côté là, elle était plutôt mal placée pour critiquer, puisqu’elle ne savait même pas si les deux Contractants face à elle étaient plus ou moins âgés qu’elle. De ce côté là, elle serait curieuse d’apprendre leur âge, mais elle sentait que si elle le demandait, la question allait lui retomber dessus, et dix neuf ans pour l’informatrice ne faisaient jamais très bon genre. En principe, elle évitait que ses employeurs trouvent la réponse en éludant la question par un ‘on ne demande pas l’âge des dames’, mais elle sentait qu’avec Zack dans le coin, elle n’aurait pas la paix à ce propos si elle tentait quelque chose de ce côté-là. D’autant plus qu’elle serait obligée, plus ou moins, de se retrouver souvent avec les deux jeunes hommes lors de la traversée pour Médiana, maintenant qu’ils étaient plus ou moins en confiance. Enfin, le seul à croire que tout était beau et rose devait être Zack, puisque Ran était selon lui paranoïaque, et que Ai Vân et Irshia connaissaient la vérité à propos du statut de Rejeté. Non pas que les deux jeunes femmes veuillent mentir à leurs interlocuteurs, mais la jeune Asiatique ne voulait pas en parler sans l’accord de la Rejetée au regard ambré, qui était la seule à décider des informations qu’elle donnait à propos d’elle-même, en tant qu’informatrice chevronnée – et peut-être même en tant que personne ayant un léger côté paranoïaque, comme Ran. Si elle était devenue ainsi à cause de ce qui lui était arrivé avec sa Contractante décédée à présent, elle pouvait supposer que la méfiance de Ran devait être – en partie au moins – due à la présence de Zack dans son corps. Seuls les Contractors hauts placés ou puissants pouvaient se permettre, à Vespéria, de ne pas se méfier un minimum des autres Vespériens qui pouvaient essayer de profiter de leur pouvoir. Selon Syl, les choses se seraient passées autrement si Irshia avait migré sur Terre, puisque les autorités terriennes étaient beaucoup moins négligente sur les disparitions d’enfants et tout ce genre de chose, même si avec un peu d’argent, on pouvait arriver à faire des choses plus ou moins nettes. Mais bon, la volonté de la présente Rejetée avait voulu que la dominée reste sur Vespéria.

Le sérieux de Ran, s’il pouvait être ennuyant parfois, était tout de même synonyme de garantie aux yeux de la jeune femme aux cheveux blonds comme les blés, qui n’avait pas encore entendu Zack s’adresser directement à elle pour lui affirmer sa confiance. Peut-être qu’elle en demandait trop, mais bon, comme dit plus haut, elle aussi était paranoïaque sur les bords… Que sur les bords, hein – même si c’était amplement suffisant. Certes, elle se doutait bien que les deux jeunes hommes n’allaient pas agir de manière complètement contradictoire, mais la confiance était pour elle quelque chose d’important… et qui était le principe sur lequel reposaient les relations entre Contractants. Elle, lorsqu’elle avait tué Syl de ses propres mains, cette dernière avait déjà pris une forme matérielle, contrairement au duo que formaient Ai Vân et Malia, mais cela ne l’avait pour autant pas empêchée de trahir le pacte qu’elle avait conclu avec Irshia… L’informatrice vêtue de rouge chassa ces pensées désagréables de son esprit, ne souhaitant pas de nouveau sombrer dans des réflexions toutes aussi sombres et charmantes les unes que les autres. Elle en avait déjà fait assez suite à la mort de son ancienne Contractante, elle n’allait pas y remettre une couche supplémentaire. Elle posa son regard sur l’albinos, qui continuait inlassablement ses assauts contre la jeune Ai Vân désemparée, qui ne demandait qu’une chose : que ce beau gosse lui lâche un peu la grappe et cesse de la mettre mal à l’aise. D’autant plus que la modestie ne semblait pas vraiment étouffer le bel Apollon arrivé tout droit d’Amérique, pays de rêve et de merveilles selon ce que croyaient ceux qui s’étaient mis en tête de trouver une meilleure vie en ville, mais qui n’avaient trouvé que des bidonvilles et des conditions de vie encore plus exécrables que celles de la campagne – mais ayant vendu leur biens ruraux, ils ne pouvaient retourner sur le terre d’origine. D’ailleurs, à comparer avec l’Europe, les Etats-Unis avaient peut-être meilleure réputation, puisqu’ils étaient à priori la première puissance mondiale sur Terre, en dépit des efforts du gouvernement chinois à faire garder un intérêt du peuple pour leur propre nation. Enfin bon, cela faisait pas mal de temps que la jeune Asiatique avait migré sur Vespéria, et les choses sur Terre avaient peut-être changé depuis son départ, qu’elle ne regrettait pas.
La dominée aurait bien voulu faire une petite remarque afin de calmer l’Américain qui semblait être partie dans de grandes considérations à propos de sa personne, mais le problème était qu’elle ne savait pas quoi dire. Elle ne possédait pas la répartie d’Irshia, et de toute façon, elle n’en avait jamais eu réellement besoin. Ai Vân était une jeune femme plutôt mature, mais trop réservée et timide, et lorsqu’il s’agissait de compliments sur sa propre personne, elle perdait souvent ses moyens, puisqu’elle n’était pas habituée à recevoir des fleurs. Son regard noir se posa quelques instants sur la sœur jumelle de sa dominée, cherchant un quelconque secours chez elle. Après quelques hésitations, l’informatrice eut pitié de la jeune Asiatique et vint à son secours en balançant à Zack une réplique moqueuse :

- Ça doit être le printemps éternel de l’Amérique unique d’où tu viens, pour pouvoir se lancer des fleurs de manière aussi magistrale.

Ai Vân sembla adresser un merci muet à celle qui passait pour sa dominante, tout en réalisant que ce ne serait que partie remise, puisque de un, Irshia n’allait peut-être – sûrement – pas lui venir en aide la prochaine fois, et que l’albinos ne devait pas être du genre à abandonner après si peu de choses. La jeune Asiatique réfléchit donc à sa prochaine contre attaque, tandis que la Rejetée reporta son attention sur Ran, et sur les affaires sérieuses. Enfin, façon de parler, puisqu’elle faisait en sorte d’écouter les deux échanges à la fois, celui qui avait lieu entre elle et Ran, et l‘autre entre Ai Vân et Zack, puisqu’elle souhaitait ne rien manquer de la petite discussion qui avait lieu entre les deux Terriens, même si les paroles de Ran étaient en soi beaucoup plus intéressantes. Le jeune chasseur semblait par ailleurs avoir compris que chez la Rejetée, l’information relevait une importance capitale, et que pour pouvoir obtenir quelque chose de la jeune femme au regard ambré, il devrait manier plus ou moins habilement les rares informations que lui-même possédait. Chose qui était à la fois intéressante et agaçante. M’enfin, pour ce qu’Irshia prévoyait, ce n’était pas plus mal. Toutefois, quelque chose dans les propos du jeune chasseur interpella les deux jeunes femmes qui semblaient aux yeux des deux hommes unies par un pacte. L’Asiatique et l’informatrice échangèrent un regard gêné lorsque Ran compara de manière naturelle sa relation avec Zack et la soi disante relation des deux jeunes femmes. Ai Vân, encore une fois, ne fit aucune remarque, puisque son regard, pour Irshia, parlait pour elle. La dominée de Malia connaissait la vertu de la Rejetée, qui consistait en un constante de vérité dans les propos de l’informatrice. Mais elle connaissait aussi la tendance d’Irshia à éviter de délivrer des informations qui la concernaient elle et elle seule, parler d’elle-même étant une des choses que la Rejetée n’appréciait guère. Elle était curieuse à propos des autres, et non à propos d’elle-même, et elle ne voyait aucun intérêt à partager une expérience qui lui était propre – c’était de ce côté-là en majeure partie que ressortait sa tendance égocentrique.

Les deux jeunes femmes laissèrent passer, n’émettant aucune remarque, et laissant Irshia réfléchir à propos de ce qu’elle dirait ou non. Elle aurait l’occasion d’en apprendre plus sur Ran et son Contractant sur les champs de bataille, elle le savait bien, sauf si l’aptitude des deux jeunes hommes était indécelable dans les situations d’affrontement. Et dans ce cas, elle avait encore d’autres possibilités pour découvrir les dons des deux jeunes hommes, d’autant plus que Ran semblait être soucieux à propos de leur discrétion, signifiant que leur don ne devait pas être des plus discrets. Ce doute fut confirmé lorsque Ran en vint à la demande qu’il voulait faire à l’informatrice, à propos des moyens possibles pour passer le plus discrètement possible son séjour dans l’armée du chef d’Hutoo, tout en utilisant son don pour sauver des vies, comme il le disait. Décidément, ce jeune homme était quelqu’un de bien honnête comparé à la Rejetée, qui, de une, ne se serait pas engagée dans une guerre préventive si son pays était menacé, et de deux, n’aurait pas pris le risque de dévoiler ses dons sur un champ de bataille en vue de sauver des vies. En d’autres termes, Ran était en train de lui demander une faveur, chose que, quelque part, l’informatrice comprenait, puisqu’en tant que telle, elle se devait d’être plutôt fiable, surtout en terme de discrétion. Ce qui amusa la jeune femme aux cheveux blonds comme les blés furent les propos rajoutés bien vite par le jeune chasseur précisant qu’il ne faisait que demander conseil, même si Irshia voyait par là plus service que conseil, en raison de son incapacité à donner quelque chose en retour à l’informatrice… Cette tournure des choses plaisait plutôt à la Rejetée, qui voyait déjà ce que Ran pouvait lui donne en échange, puisqu’elle y avait déjà pensé en faisant sa promesse avec lui. Irshia prit la peine de réfléchir quelques instants supplémentaires avant de donner sa réponse.

- Conseil et service n’sont pas la même chose, ‘tention, commença Irshia en faisant un clin d’œil au jeune chasseur. Tu ne vois pas ce que tu pourrais me donner en échange, mais moi je vois. Enfin, si bien sûr, tu acceptes, sachant que c’nest pas grand chose que j’te demande. Après cette guerre, je souhaiterai que tu deviennes l’un de mes contacts, c’est-à-dire, que tu sois pour moi une source d’information. Ceci dit, tu n’auras pas grand chose à faire, juste à continuer à vivre ta vie et me rapporter c’qui se passe d’intéressant dans l’coin où tu vis quand j’passerai par Hutoo, ou me signaler les choses vraiment importantes en passant par ma sœur… Bien sûr, il faut d’abord que nous sortions vivants de c’conflit, mais j’aime prévoir les choses à l’avance…

Cela voulait dire qu’en gros, elle acceptait d’aider les deux jeunes hommes à se faire discrets durant le conflit en échange d’un service rendu ultérieurement, ce qui na le gênait pas le moins du monde, alors que d’autres n’auraient même pas pensé à avancer un marché dont la part du côté d’Irshia semblait être pour le moment présent moindre. Mais avoir des personnes de confiance et assez discrètes ou rusée pour ne pas se faire avoir par d’autres était de plus en plus difficile, surtout en période de conflit. Or, l’informatrice qu’était Irshia avait besoin de nombreux contacts à travers Vespéria, qu’il s’agisse de personnes bien placées que de personnes tout à fait normales, comme Ran – même si au fond, il n’était pas très normal non plus. Ai Vân avait cessé de détailler Zack en entendant les propos d’Irshia et avait reporté son attention sur les affaires sérieuses.

- J’ai moi-même besoin d’effectuer quelques préparatifs avant le départ, afin d’être la plus discrète possible, donc si tu y consens, tu peux m’accompagner. Ai Vân, tu penses qu’il y aura des problèmes avec Malia ?

La jeune Asiatique répondit par un geste de la tête négatif, sachant que sa dominante Malia aimait rendre service à sa sœur jumelle, et qu’elle ne lui refuserait pas grand chose, lui étant presque redevable à vie pour l’avoir sortie de la misère commune dans laquelle elle et sa sœur se trouvaient. Et ce, doublement. Toutefois, un détail troublait encore la jeune Asiatique dans la relation de confiance qu’avaient entamé Irshia et les deux jeunes hommes liés par un pacte, celui de la relation, ou plutôt de la non-relation qui existait entre elle et l’informatrice au regard ambré. Et encore une fois, elle ne dit rien.

- En ce qui concerne l’étalage de mes capacités, j’préfère ne pas l’faire ici en pleine rue, bien qu’ce soit désert. Chez ma sœur, ce s’ra mieux, sauf si tu veux pas.

Double sens, qui ne serait peut-être pas compris par les deux jeunes hommes. Elle avait parlé de ses capacités, et non celles d’Ai Vân et les siennes. Mais pour deux personnes ne connaissant pas l’existence du terme Rejeté, cela avait peu de chance d’avoir un impact révélateur, d’autant plus que l’informatrice avait, théoriquement, sa dominée à son côté. Le deuxième sens de cela était qu’elle avait besoin que les deux jeunes hommes viennent chez sa sœur pour qu’ils comprennent l’importance d’un détail crucial dans l’utilisation du pouvoir de la Rejetée…

La petite tirade de Zack avait fait son effet. Pour ainsi dire, Ai Vân était effectivement toujours aussi perturbée par les assauts de l’albinos et même Irshia s’y intéressait. Ran en avait entendu une assez bonne partie pour savoir que son dominant était encore plutôt calme et ne faisait pour le moment que s’amuser. Si elles prenaient peur en le voyant dans cet état, le niveau supérieur allait leur causer une attaque cardiaque. Parmi les deux raisons qui pourraient expliquer le malaise de l’asiatique, Zack paria sur la plus simple : Ai Vân cherchait un moyen de l’envoyer sur les roses parce qu’elle ne supportait pas son arrogance et sa « modestie ». La voir se débattre avec elle-même était très amusant, tout du moins du point de vue de Zack. Hélas, Irshia vint rajouter son grain de sel en adressant une remarque qui se voulait à la fois vexante et dissuasive.

- Ça doit être le printemps éternel de l’Amérique unique d’où tu viens, pour pouvoir se lancer des fleurs de manière aussi magistrale.

Un ange passa.
Puis un deuxième.
Et enfin, une explosion.

Bon, le terme était peut-être un peu fort mais c’était aussi celui qui décrivait le mieux le fou-rire dans lequel Zack venait de partir. Il riait à gorge déployée, si bien que quiconque était en mesure d’entendre les contractants pourrait le faire une ou deux rues plus loin. Une nouvelle fois, Ran soupira devant la réaction de son contractant. Irshia devait maintenant comprendre que la vie du chasseur n’était pas facile tous les jours, Zack étant… assez mouvementé, nous dirons. Lorsqu’enfin il reprit suffisamment contenance pour être en mesure de parler intelligiblement, l’albinos enchaîna, un grand sourire aux lèvres, les larmes aux yeux d’avoir trop ri.

- Yaouch ! Ça fait mal, Irshia. Je m’en souviendrais encore longtemps.

Certes, ses paroles étaient en totale contradiction avec son visage et ses réactions - puisqu’il s’amusait réellement - mais il avait un rôle à respecter. Il ne pouvait pas laisser passer une occasion de jouer les fausses victimes. Ce genre de cadeau, on ne les refuse pas. Pourtant, Zack n’avait toujours pas oublié les raisons pour lesquelles ils étaient ici et, à sa manière, il tenta de garder un minimum de sérieux.

- Mais ne t’inquiète pas, Ai Vân. Je ne vais pas te harceler encore très longtemps : je ne faisais que m’amuser un peu. Pour le moment, Ran et moi avons quelque chose d’important à faire. Par contre, étant donné que tu es véritablement une belle femme, je n’ai rien contre qu’on se revoit plus tard…

Un sourire charmeur accompagnait ces paroles, tandis que ses yeux étaient plongés dans ceux de l’asiatique. Si Ai Vân réagissait comme elle l’avait fait jusque-là, le regard pénétrant de Zack ne pourrait que la mettre plus mal à l’aise, ce que l’albinos comptait laisser comme cadeau d’au revoir. Certes, ils ne se quittaient pas vraiment mais même le terrien était capable de voir que le moment ne se prêtait pas trop à ce genre de trivialités, quand bien même il en aurait eu envie. Il était donc temps de passer à autre chose. Cela dit, ce petit interlude avait déjà été amplement suffisant pour le remonter bloc.

En effet, la guerre qui se profilait était malheureusement quelque chose de bien plus important que ces petits jeux d’adolescent en surplus d’hormones. Aussi, Ran fut heureux de voir que Zack redevenait le jeune homme sérieux qu’il pouvait être par moment, en cas de crise. Le chasseur savait d’avance que les contractants ici présents n’échapperaient pas à une ou deux remarques déplacées mais le savoir conférait la possibilité de s’y préparer mentalement.
Le temps qu’il fallut à Zack pour en arriver à cet état d’esprit était celui que Ran avait utilisé pour faire sa demande à Irshia. Les deux contractants écoutèrent donc ensemble ce que l’informatrice avait à leur proposer. Aussi, même si l’albinos était arrivé en cours de route, il n’en était pas moins qu’il connaissait son dominant et la réponse d’Irshia lui suffit pour comprendre de quoi il retournait.
Ran, de son côté, était soulagé de voir qu’Irshia acceptait. Une femme de sa trempe aurait forcément les moyens de les rendre plus discrets. D’ailleurs, elle ne semblait pas l’avoir relevé mais le chasseur lui-même commençait à lui faire réellement confiance. Ses phrases ne respectaient plus le protocole en vigueur lorsque l’on s’adresse à un supérieur et il avait abandonné le vouvoiement.
Hélas, qu’elle appelle cela un conseil ou un service, cela ne changeait rien au fait qu’Irshia demandait quelque chose en échange de son talent. Au premier abord, cela ne semblait pas être grand-chose - et Zack ne voyait d’ailleurs pas plus loin - mais cela pouvait finir par être plus embêtant. Après tout, si réunir quelques informations et les passez à Irshia n’était rien, une question importante restait : qu’en ferait-elle ? L’informatrice avait beau ne pas avoir perdu la confiance que lui accordait Ran, il espérait que cela ne se retournerait pas contre lui et, à plus grande échelle, contre Hutoo. La suite des évènements ne lui laissa cependant pas le temps de faire part de ses interrogations, puisqu’Irshia s’adressa de nouveau à Ai Vân. Un détail dans cette discussion à sens unique perturba cependant le chasseur. L’informatrice demandait à sa contractante si une certaine Malia serait d’accord pour que le Destructeur Céleste l’accompagne. Qui était cette Malia ? Une contractante, elle aussi ? Décidément, Irshia n’était vraiment pas n’importe qui. À bien y réfléchir, peu importait : en partant du fait qu’il acceptait de la suivre, il apprendrait bien assez vite la réalité sur cette personne, tout comme il apprendrait la vérité sur le pouvoir d’Irshia. En effet, elle semblait bizarrement avoir choisi de céder des informations assez facilement. Il y avait cependant dans sa déclaration quelque chose d’étrange qui ne faisait qu’attiser sa curiosité. Il lui fallut attendre qu’elle ait fini de poser ses conditions pour laisser à Ran le temps de répondre.

- Très bien, Irshia. Je t’accompagne. Néanmoins, j’ai un dernier détail à te demander… Tu me demandes de te donner des informations mais je voudrais savoir ce que tu en feras.

Même avec si peu d’informations, il était évident que l’informatrice comprendrait le doute qui planait sur le chasseur. Après tout, même Zack avait compris le sous-entendu et le regardait, l’air contrarié.

- Tu ne lui fait toujours pas confiance ? Arrête d’être aussi paranoïaque ! Elle n’a pas le profil d’une femme qui veut détruire Hutoo !

L’albinos était vraiment en rogne. Vraisemblablement, il faisait déjà totalement confiance à Irshia, même si cela pouvait être un peu idiot de sa part. Pourtant, Ran se souvint des promesses qui liaient les deux personnes qu’ils étaient, Irshia et lui, puis consentit enfin à reconnaître qu’il faisait peut-être preuve d’un peu trop de prudence. Pour la première fois depuis quelques mois, le chasseur accepta donc enfin d’accorder sa confiance. Ne restait plus qu’à espérer que cela ne serait pas une grosse erreur.

- Je m’excuse, Irshia. Zack a raison. J’accepte le marché.

Le regard de Ran avait quitté Zack et s’était tourné dans la direction de l’informatrice à l’attitude toujours aussi désinvolte.

- Et bien voilà ! Tu vois, quand tu veux !

De son côté, l’albinos arborait un sourire jusqu’aux oreilles, satisfait d’avoir réussi à freiner la prudence maladive de son ami et contractant.

- Allez, allez ! On se dépêche, maintenant ! C’est la première fois que je suis invité chez une fille depuis des lustres ! Je ne veux pas perdre une seconde de plus !

Zack avait déjà retrouvé sa bonne humeur… Question lunatique, on faisait difficilement mieux.

[ Mouais... J'avais moins d'inspi', sur ce post. Cela n'excuse rien mais explique en partie le temps de réponse. Désolé. ]

C’est avec surprise d’un côté et amusement de l’autre que les deux jeunes femmes accueillirent le fou rire du jeune Américain. Ai Vân ne s’était pas du tout attendu à ce que l’albinos prenne un tel fou rire suite à la pique lancée par Irshia pour défendre la dominée de sa sœur. En fait, elle avait pensé, que, malgré la répartie de la sœur jumelle de sa Contractante, il en fallait bien plus pour arrêter le jeune Apollon qui devait avoir l’habitude de séduire les filles, de courir les jupons et se prendre des râteaux. Certes, la jeune fille du tiers monde qu’était Ai Vân ne comprenait pas entièrement toutes ces notions que les adolescents du pays occidentaux voyaient fréquemment. A vrai dire, quand on vit dans un bidonville, on a d’autre choses à faire que d’aller draguer son voisin – enfin, on peut, mais on a cinquante pour cent de chances de se faire piquer son argent en douce, alors que l’on fait les beaux yeux à son voleur, et l’argent étant assez rare pour que l’on y coure après, on ne prenait pas ce risque. Quant à Irshia, c’était bien évidemment l’amusement qui avait accueilli l’explosion de rire du jeune homme aux yeux rouges, qui n’hésita pas à rajouter une remarque à l’égard de l’informatrice quant à son tact. La Rejetée se contenta de répondre au jeune Américain en lui tirant la langue, signifiant qu’elle était parée à la riposte, qu’elle vienne dans l’instant présent ou quelques heures, jours, mois ou années plus tard. La vengeance est un plat qui se mange froid, hein. Autant dire qu’avec son caractère, l’informatrice au regard ambré y était plutôt habitué… En entendant son nom, la jeune Asiatique leva les yeux vers le jeune albinos, puis les détourna, les releva puis les détourna une nouvelle fois, tout ceci sous l’effet combiné du sourire charmeur, des compliments et du rendez-vous que semblait lui donner le bel Américain. Ce dernier ne fit qu’accentuer la gêne de la jeune Asiatique en la fixant de ses yeux rubis, et Ai Vân manifesta soudain un certain intérêt pour le pavé qui dallait la petite ruelle dans laquelle ils se trouvaient. Le fait que Zack veuille en plus revoir ultérieurement la jeune Asiatique était on ne peut plus embarrassant, puisque ce genre de chose serait pratiquement impossible, puisqu’elle n’était pas la Contractante d’Irshia, mais celle de Malia, dont la capacité à se déplacer était réduite. Saisissant le malaise de son amie terrienne, Irshia reporta son regard ambré sur Ran, feignant de ne pas percevoir le ressenti d’Ai Vân à propos de toute cette histoire.

Ran acceptait le marché que lui proposait l’informatrice, mais voulait savoir en contrepartie ce que ferait Irshia des informations que lui et son Contractant lui donneraient. Et là, la jeune femme aux cheveux blonds comme les blés aurait bien grimacé si elle n’avait pas un rôle à tenir. En tant qu’informatrice, elle devait laisser paraître un minimum de confiance et montrer qu’elle maîtrisait la situation, sinon ses employeurs ne lui faisaient jamais confiance. Ou ses ennemis potentiels pouvaient en profiter pour trouver les points faibles de la jeune femme. Ce que lui demandait présentement Ran, c’était de dévoiler une trop grande partie de ses activités, ce qu’elle aurait aimé absolument éviter, même dans le cas du jeune chasseur qui était quelqu’un de confiance. La majeure partie de ses informations, Irshia les gardait pour elle, et ne partageait même pas avec ces personnes dites de confiance. Donc Ran pouvait aller voir ailleurs si elle y était si il voulait vraiment qu’elle lui explique son job d’informatrice et ses activités personnelles. Toutefois, stopper le marchandage avec Ran alors qu’elle en était arrivée à ce point là serait vraiment dommage, puisque le jeune chasseur avait appris déjà un grand nombre de choses à propos de la Rejetée, qui laissait rarement filtrer autant d’informations à son propos. C’en était plus qu’embêtant. Malgré tout, elle avait son rôle à protéger, et que cela ne déplaise à Ran et son Contractant, elle s’apprêtait à rompre le marché avec le jeune chasseur et son copain albinos. Heureusement, ce dernier intervint en la faveur d’Irshia, qui remercia silencieusement le bel Américain, sachant pertinemment que celui-ci ne savait rien du choix à faire que Ran lui avait balancé à la tronche. La Rejetée accepta donc les excuses de Ran avec le sourire, tout en pensant aux propos qu’avait prononcé le jeune albinos – qui d’ailleurs continuait à sermonner son Contractant.

- Détruire Hutoo ? répéta Irshia en esquissant une moue dubitative. Ce s’rait moyen pour les affaires, tu sais… Bref, Zack a raison, on s’bouge, mais fais gaffe, Malia est pas aussi bonne poire qu’Ai Vân !

La jeune Asiatique tenta d’émettre une protestation, mais elle fut devancée par le Rejetée qui lui tira la langue, usant de son tact habituel. La dominée de Malia se contenta donc de grommeler dans sa barbe et se mit en marche, suivie par l’informatrice et les deux Contractants. Ai Vân et Irshia prirent soin d’éviter les grandes rues où l’agitation régnait en raison du départ proche de la flotte d’Hutoo pour Médiana, d’autant plus que le grand chef avait recruté des civils, ce qui mettait encore plus le bordel dans la capitale de l’archipel. L’idée n’était pas mauvaise, mais bon, il fallait penser au revers de la médaille, quelques fois… Après quelques minutes de trajet dans les rues les plus petites ou discrètes de la capitale, le groupe parvint à une demeure modeste, à deux étages. Le premier était occupé par un homme que l’informatrice connaissait plutôt bien, et au second logeait sa sœur jumelle Malia. Cette dernière avait pris le soin de ne pas afficher son nom sur la porte de la demeure, sachant que sa sœur jumelle, en tant qu’informatrice, avait besoin de discrétion, et que mettre son nom de famille sur une porte en bois était le meilleur moyen pour que la majeure partie des informateurs connaissant le nom d’Irshia Ryû N’Nedra. Cette dernière sortit une clef de sa poche, et la fit tourner dans le verrou de la porte, qui s’ouvrit sur un escalier plutôt étroit. A droite se trouvait une autre porte qui donnait accès aux pièces occupées par le voisin de Malia, tandis qu’un étage au-dessus se trouvait la porte d’entrée de la sœur jumelle d’Irshia. Le groupe gravit donc les escaliers puis parvint à la porte sur laquelle seul le nom de Malia était affiché. La Rejetée frappa deux fois à la porte, mais n’attendit pas qu’elle s’ouvre pour enfoncer une nouvelle fois la clef dans le verrou et ouvrir d’elle-même l’accès au logement de sa sœur. Après tout, ce logement était le sien à la base, elle en avait juste fait cadeau à sa sœur… Pendant que la jeune femme au regard ambré fermait la porte, Ai Vân conduisit les deux jeunes hommes jusqu’au salon qui était composé d’un fauteuil et d’un canapé de basse qualité – ce qui ne dérangeait pas le moins du monde les deux sœur Ryû N’Nedra. Dans le fauteuil était assise une jeune femme de dix neuf ans, aux cheveux blonds comme les blés attachés en queue de cheval, au regard ambré identique à celui de sa sœur, mais dont la carrure était plus frêle que celle de sa sœur. Sortant le nez de son bouquin, elle constata avec surprise qu’Ai Vân et Irshia n’étaient pas rentrées seules, mais accompagnées – en voilà des manières…

- Salut ! fit Irshia. Ca t’dérange pas si j’invite ces deux oiseaux-là ? Ils ont b’soin de se faire discrets…

Malia, après avoir posé son livre, posa son regard ambré sur les deux nouveaux venus dans sa demeure. A part Irshia et son ancienne Contractante Syl, la sœur jumelle de ‘l’informatrice ne connaissait pas d’autres Contractors, si ce n’est que la jeune Akira Kurozaki, mais qu’elle ne connaissait que de nom. Les remarques intérieures qu’elle se fit sur le physique des deux jeunes hommes furent à peu près les mêmes que celles d’Irshia et de Ai Vân, puis d’un geste de main, elle invita les deux Contractants à s’asseoir, sur le canapé puisqu’il n’y avait pas d’autres endroits où le faire.

- Ran et Zack, fit Irshia en guise de présentation avant de disparaître dans l’une des pièces adjacentes au salon.

L’informatrice fut suivie par Ai Vân, qui, quelques minutes plus tard, ressortit de la pièce où s’était enfermée Irshia pour faire ses préparatifs. En attendant, Malia se présenta aux deux jeunes hommes, tout en s’efforçant de les accueillir au mieux dans sa modeste demeure malgré son handicap moteur, dont elle souffrait depuis la naissance, mais dont le pouvoir qu’elle avait eu grâce à l’arrivée de Ai Vân lui permettait de s’en soulager.

- Bienvenue dans ma modeste demeure, fit Malia avec un sourire doux. Je suis Malia, et en principe, les amis d’Irshia sont mes amis, donc prenez votre aise.

Il était bien inutile de préciser que Malia et Irshia étaient sœur puisqu’elles se ressemblaient presque comme deux gouttes d’eau, ayant été élevées dans les mêmes conditions. Seuls les habits, la différence de ton et la coiffure pouvaient faire la différence. Ainsi que la carrure plus frêle de Malia, qui, contrairement à sa sœur, n’avait aucune expérience de combattante. Le regard ambré de Malia glissa sur la porte de la pièce où s’était enfermée Irshia, puis revint sur ses deux interlocuteurs.

- Si ça ne vous dérange pas, il va falloir attendre qu’Irshia ait fini avant de se pencher sur votre cas. Souhaitez-vous boire quelque chose ?
- Eh, te force pas, fit la voix d’Irshia de derrière la porte. J’sais bien que ça fait longtemps qu’t’as pas reçu quelqu’un à part l’autre brute, mais tu peux pas attendre trente secondes ?

Sur ces mots, la porte de la pièce où s’était enfermée Irshia s’ouvrit, laissant sortir un jeune homme au regard ambré, aux cheveux blancs comme neige attachés, vêtus d’une veste blanche aux manches noires et d’un pantalon gris. Ses chaussures se résumaient à des sandales noires, et pendait à sa ceinture un fourreau noir dans lequel était glissée une épée assez fine et longue.

Spoiler:

Il adressa un clin d’œil typique d’Irshia aux deux jeunes hommes et demanda :

- Alors ? Vous en pensez quoi ? J’vous présente Shin’Kan, guerrier de son état, puisque les femmes ne peuvent embarquer à bord du Bourrin.

Il se trouvait que le jeune homme n’était nul autre que l’informatrice qui s’était décoloré les cheveux et qui avait changé d’habit, mettant à profit son apparence androgyne pour se faire passer pour un homme. Ce n’était pas la première fois qu’elle le faisait, aussi avait-elle déjà employé le nom et le rôle de Shin’Kan pour accomplir diverses tâches qu’elle ne pouvait faire en tant que femme ou en tant qu’informatrice trop repérable. Elle avait même changé d’arme, puisque tout ce qui pouvait se rapporter à Irshia l’informatrice était effacé, sauf peut-être, son regard ambré qu’elle ne pouvait changer de couleur, puisque les lentilles de couleur comme on pouvait en acheter sur Terre n’existaient pas sur Vespéria. De ce fait, lorsqu’elle avait dit à Heichi de s’adresser à un certain Shin’Kan, elle ne parlait pas de l’un de ses contacts qui aurait pu le mettre en relation avec l’informatrice, mais elle évoquait plutôt son alter ego masculin, qui, par ailleurs, n’avait pas toujours la même apparence pour éviter de se faire trop remarquer.

- On peut faire la même chose avec Ran, même si j’doute qu’on puisse le transformer en fille, poursuivit Irshia avec un sourire narquois. Malia est du genre prévoyante, y’a presque tout dans cette pièce : colorations pour cheveux, pour la peau, habits de toutes sortes… Faites-vous plaisir, mais dites moi dans quoi vous vous êtes servis histoire que j’prenne quelques provisions si toute cette histoire dure un bon moment. Ah, et vous inquiétez pas, ce sont des produits de qualité… Prenez votre temps, vous êtes p'tetre pas aussi habitués que moi à vous servir de ce genre d'trucs...

Comme Ran s’y était attendu, c’est avec une certaine surprise que les deux contractantes accueillirent le fou rire de Zack. Ni l’une ni l’autre ne fit de remarque à ce sujet, leurs gestes parlant pour elles. Aussi, si Irshia se contenta de tirer la langue pour montrer qu’elle serait prête à encaisser une quelconque revanche de la part de Zack, Ai Vân réagissait exactement comme l’albinos l’avait espéré. Les compliments que le terrien avait lâché en guise de conclusion avaient effectivement touché son auditoire et la pauvre asiatique était gênée de tant d’attention à son égard. Ses yeux ne cessaient de regarder le jeune homme, puis le sol, jusqu’à finalement s’arrêter définitivement sur ce dernier. Zack était tout bonnement aux anges. Jouer avec ses pairs étaient une chose que l’albinos trouvait sincèrement tordant de rire. Avant de rencontrer Ran, il n’était jamais venu à se demander le malaise dans lequel cela mettait les victimes de ses railleries et/ou compliments. À cette époque, il n’avait été qu’un gamin débordant d’arrogance, sans aucune gêne ni aucune retenue. Aussi, même si cela ne se voyait pas forcément, Zack faisait maintenant tout son possible pour rester un minimum attentif aux réactions des autres, dans le but de ne pas les blesser de trop. C’était d’ailleurs également dans cet optique que l’albinos rejoignit son ami contractant, maintenant attentif à la discussion sérieuse qui se tenait.
Après avoir posé ses conditions, Irshia ne pipa mot, laissant les deux jeunes hommes en face d’elle se disputer entre eux à propos de ce que la jeune femme prévoyait de faire des informations récoltées. Aussi, si Ran émettait un certain doute sur le mal que cela pourrait apporter, Zack pensait exactement l’opposé et, emporté par son enthousiasme, il se permit quelques reproches à son contractant. Si lesdits reproches n’étaient pas franchement très agréables, ils eurent néanmoins le mérite de faire comprendre à Ran qu’il en faisait un peu trop.
Les propos des jeunes hommes semblèrent d’ailleurs choquer l’informatrice qui répéta les mots « détruire Hutoo » avec une certaine contrariété. Vraisemblablement, elle ne prévoyait pas du tout d’utiliser ces informations à mauvais escient et cela ne pouvait que conforter Ran dans son choix. Elle ajouta en guise de conclusion un petit avertissement à l’adresse de Zack.

- D’accord, d’accord. Je resterai calme. Promis… !

Ran lui jeta instantanément un regard qui voulait dire « Je n’y crois pas une seule seconde » mais n’ajouta rien. Ensemble, le petit groupe entreprit le cours chemin qui les mènerait tous jusque chez Irshia. Cette dernière les fit d’ailleurs passer par nombres de petites ruelles peu occupées, dans le but certain d’éviter des rencontres impromptues. Peu de temps après, ils arrivèrent devant une maison à deux étages tout ce qu’il y avait de plus modeste. Zack était occupé à observer l’endroit où vivait Irshia tandis que Ran se concentrait plutôt sur ce que faisait l’informatrice. En l’occurrence, elle venait de sortir une clé de sa poche et ouvrait la porte. Elle s’avança dans un couloir étroit, ignorant superbement la porte sur sa droite pour prendre les escaliers. Avant de pénétrer l’intérieur de la maison, Ran interpella Zack, toujours trop concentré sur l’étude de la maison pour se rendre compte qu’il était le seul encore dehors. Dans un rituel que le chasseur pensait maintenant habituel, Irshia toqua deux coups à la porte de l’étage avant d’utiliser une nouvelle fois sa clé pour l’ouvrir. Visiblement, elle ne voyait pas l’utilité d’attendre qu’on lui réponde pour considérer qu’elle avait le droit d’entrer. L’informatrice tint la porte ouverte en invitant les autres à pénétrer dans la salle, puis referma derrière eux pendant qu’Ai Vân les accompagnait jusqu’au salon. Zack était d’ailleurs étonné de voir qu’Irshia lui tenait la porte de cette manière. Après tout, cela faisait des mois qu’on ne l’avait plus traité comme un humain. Pour le moment, ce n’était qu’un esprit et il aurait tout aussi bien pu passer à travers la porte. Les manières d’Irshia à son égard flattait donc son égo comme personne ne l’avait fait ces derniers temps. En entrant dans le salon, Ran et Zack purent rencontrer la fameuse Malia. La première constatation qui vint à leur esprit fut le lien de parenté évident qui liait Irshia et cette dernière. La couleur de leur cheveux et celui de leurs yeux étaient bien trop semblables pour que cela ne soit qu’une coïncidence. En revanche, assise ainsi dans son vieux fauteuil et un livre à la main, Malia ne dégageait pas du tout la même aura que l’informatrice. Elle semblait, au premier abord déjà, beaucoup plus fragile.
Le tout s’enchaînant plus ou moins vite, les deux jeunes hommes ne faisaient, pour le moment, rien d’autre que subir les évènements. Ainsi, Irshia venait de les présenter en expliquant la raison qui les avait amenés ici, eux aussi, puis Malia les avait invités à s’asseoir sur le canapé. Docilement, Ran avait donc obéi, surpris de voir que leur hôte voyait aussi Zack. Elle avait donc un contractant, elle aussi ? Celle qui passait pour la sœur d’Irshia était donc elle aussi une Contractor ? Quel hasard troublant… Les Contractors étaient déjà une chose rare… Alors savoir qu’il y en avait deux dans une même fratrie était troublant. Puis, Malia se présenta officiellement à eux, ce pendant quoi Zack décida de rejoindre lui aussi le canapé. C’était certes inutile mais cela semblait plus poli. À ce propos, Ran était déjà surpris de voir que l’albinos se tenait réellement à carreau. Il n’y avait pas cru lorsque celui-ci l’avait dit mais il semblait évident qu’il s’était trompé. Ce que le chasseur ne remarquait pas, c’était en réalité la condition de Malia. Au premier regard, Zack avait compris à sa posture que la sœur d’Irshia ne pouvait pas se déplacer comme elle le voulait. Pour le coup, il était évident qu’il n’allait pas se moquer d’elle. Non, en réalité, Ran ne voyait en Malia qu’une jeune femme souriante attendant probablement une réponse de leur part.

- Je suis Ran et Zack, c’est lui.
- Enchanté, belle demoiselle, ajouta Zack avec son sourire charmeur.

Cette fois, il n’essayait pas de la mettre mal à l’aise mais tout simplement de paraître agréable. Le plus souvent, c’était d’ailleurs cette méthode qu’il utilisait lorsqu’il souhaitait réellement draguer une jeune femme. Pourtant, ici, cela ne cachait rien d’autre que la volonté de paraître courtois face à leur hôte.
Irshia était déjà partie dans une salle voisine du salon, accompagnée de près par Ai Vân. L’asiatique était cependant revenue seule, laissant Irshia à ses occupations dans la salle voisine. Ne sachant que faire de ses invités en l’absence de sa sœur, Malia leur proposa des boissons pour faire passer le temps. En outre, même si Zack allait refuser pour ne pas la forcer à se déplacer, Irshia le prit de court en affirmant qu’elle avait presque fini.

Et effectivement, la porte de la pièce dans laquelle l’informatrice était s’ouvrit une nouvelle fois, laissant apparaître… un homme. Les cheveux blancs, des habits indescriptibles pour être bien trop originaux, le jeune homme leur fit toutefois un clin d’œil à la façon Irshia, ce qui leur permit de confirmer que cette personne était belle et bien l’informatrice. Ainsi donc… Shin’Kan, l’homme vers lequel Irshia envoyait toutes les personnes qui pourraient la chercher, était joué par l’informatrice elle-même. C’était à un sacré secret que le Destructeur Céleste venait d’avoir droit. Evidemment, il comptait ne jamais le révéler, quelle que soit la situation. Zack lui-même était bien trop content de pouvoir parler avec quelqu’un d’autre que son contractant pour oser la contrarier.

- Pas mal, Irshia. Si j’étais gay, j’aurais même pu essayer de te draguer !

Ran ferma les yeux et posa sa main sur son front. Zack lui faisait un peu honte, parfois. Puis, sans parler de honte, entendre son contractant parler de cette manière ne lui plaisait toujours pas outre-mesure. Heureusement, il ne fallut pas longtemps à Irshia avant d’en venir à la promesse qu’elle avait faite à Ran, le détournant ainsi de ses sombres pensées. Elle voulait donc que le chasseur suive le mouvement et se déguise comme elle venait de le faire ? Le jeune homme n’était pas sûr de bien savoir s’y prendre. Il s’apprêtait à le faire remarquer lorsque Zack, dans un élan d’enthousiasme, le devança.

- Chouette ! Viens, Ran ! On va jouer à la poupée Barbie !
- La poupée… Barbie ?
- Je pense que tu te vexerais si je t’expliquais ce à quoi je viens de te comparer. Pour le moment, tout ce que tu à savoir, c’est que nous devons te changer ! Allez, dépêche-toi !
- Maintenant… ?
- Bien sûr ! On ne va pas y passer le réveillon ! C’est demain qu’on met les voiles, je te rappelle !

Evidemment, l’état d’excitation dans lequel était Zack ne présageait rien de bon. Pourtant, Ran ne pouvait pas refuser l’offre d’Irshia, pour être la plus efficace - et accessoirement la seule - qui lui était offerte. Le chasseur se leva du canapé et posa sa lance dans un coin de la salle. L’albinos n’avait pas vraiment demandé l’avis d’Irshia mais puisque cette dernière ne le contredisait pas, Ran allait être contraint de le suivre dans la pièce voisine. Un peu sceptique, le chasseur jeta un coup d’œil à Irshia, puis à Zack, qui faisait des moulinets avec sa main pour l’inciter à avancer plus vite.

- Allons-y, alors… Mais dites-moi pourquoi j’ai l’impression que ça ne va pas être très simple ?, ajouta-t-il pour lui-même, à mi-voix.

Pas très décidé, Ran pénétra dans la salle, puis ferma la porte. Zack le rejoignit aussitôt et ensemble, ils découvrirent ce qu’Irshia voulait dire par « presque tout ». Il y avait ici effectivement de quoi s’occuper d’une trentaine de personnes au moins. Pendant que le chasseur cherchait du regard quelque chose qui pourrait lui servir, l’albinos prenait en main les opérations.
Depuis le salon, les trois jeunes femmes pouvaient déjà entendre le remue-ménage que Zack s’apprêtait à mettre de l’autre côté.

- Allez, Ran ! À poil ! À poil !
- Quoi ?!
- Ba oui ! Tu ne vas pas rester dans les mêmes vêtements. Sinon, où serait l’intérêt de changer ta coupe de cheveux ?

L’absence de réponse du chasseur explicitait le manque d’argument pour ne pas se mettre nu devant son contractant. Aussi, même si elles ne le voyaient pas, Irshia, sa sœur et Ai Vân devaient se douter de la suite des évènements.



Le quart d’heure qui suivit fut plus ou moins identique à ce petit interlude. Les remarques de Zack fusaient et on pouvait parfois comprendre un « Oh non, tu es trop moche là-dedans » ou un « Mais tu es super bien foutu, toi aussi ! », des remarques dont Ran se serait bien évidemment passé, avec joie. À un moment où son contractant lui était sorti par les yeux, le chasseur avait même fini par perdre le contrôle de lui-même et un joli « Ta gueule, tu me tapes sur le système » était sorti naturellement, ce qui n’avait eu pour effet que de déclencher un nouveau fou rire de Zack.

Et enfin, la porte par laquelle ils étaient entrés s’ouvrit et un « nouveau Ran » en sortit. Ce qui avait le moins changé devait être son visage. Au final, mis à part ses cheveux attachés en queue de cheval et la fausse créole accrochée à son oreille gauche, il était strictement identique. En revanche, le chasseur avait mis sur sa tête un bout de tissu qui cachait en partie ses cheveux et la cape qu’il avait accroché dans son dos pouvait lui servir de la même manière qu’une écharpe, si bien que la seule chose qu’il laisserait voir de son visage serait ses yeux. Quant au reste de son corps, comme l’avait laissé supposé le dialogue entre les deux jeunes hommes, tous les vêtements avaient été changé. Le haut était un tee-shirt marron très moulant, sans manche. Le pantalon, de la même couleur, possédait de nombreux détails tous plus inutiles les uns que les autres, avec pour exemple les ceintures enroulées autour de sa cuisse gauche. Il avait sur ses bras quelques gros bracelet en métal, ainsi que des bandes enroulés qui protégeait partiellement toute la partie inférieure de ses bras. Et enfin, pour finir, Zack avait eu la bonne idée de lui faire un faux tatouage sur le bras, ce qui ne pourrait que conduire en erreur quelqu’un qui viendrait à le chercher.



Fier de son travail - car il était finalement celui qui avait tout orchestré -, l’albinos s’avança de quelques pas et s’adressa aux trois jeunes femmes.

- Alors ? Il est beau, n’est-ce pas ?

Ran lui jeta un regard noir qui voulait dire « ce n’était pas le but de la manœuvre » mais se tourna lui aussi vers ses hôtes. Après tout, il était inutile de lui rappeler qu'il avait promis d'être "sage", il y avait de cela une petite demi-heure. Il ne devait même plus se rappeler de ce passage de sa vie.

- Je ne sais pas si je serais assez méconnaissable, dans cette tenue. Qu’en penses-tu, Irshia ? Comme je maîtrise plusieurs types d’armes, je troquerai ma lance contre une épée à une main et une arbalète, mais cela sera-t-il suffisant ?

Pour accompagner sa question, il releva la sorte d’écharpe et cacha ainsi toute la partie inférieure de son visage. L’avis de l’informatrice n’était certes pas indiscutable mais elle était ici la plus à même de voir ce qui irait ou ce qui n’irait pas.

[ Oooouh ! C’est long =D
En tout cas, j’espère que tu t’es autant amusé en lisant ce post que ce que j’ai pu m'amuser en l’écrivant ! C'est pour me faire pardonner mon retard... En fait, mon ordi avait buggé et ton message n'est pas apparu dans les "nouveaux messages". Je n'ai vu ta réponse que lundi après-midi ! Désolé du temps de réponse ^^' ]

Calme… effectivement, Zack semblait s’être comporté plutôt calmement en rencontrant la sœur d’Irshia, qui n’eut pas à subir les mêmes attaques que celles encaissées par sa Contractante Ai Vân – et de toute façon, elle aurait gentiment envoyé balader l’albinos s’il avait tenté quelque chose. Certes, Malia ressemblait par son caractère à sa Contractante asiatique, mais il y avait certains points sur lesquels elle était intransigeante, et les relations amoureuses en faisaient partie… Peut-être était-ce dû à la fois au métier de la mère des deux jumelles à présent décédée et à la fois à cause des relations que les parents d’Irshia et de Malia avaient entretenus… Ce qui n’était pas brillant, et assez particulier – sachant que l’homme avait fini par laisser sa femme et ses deux enfants dans un bidonville de Phoenixia. Quant à la mère des deux sœur Ryû N’Nedra, elle n’avait pour autre métier que celui de prostituée, ce qui faisait des relations amoureuses un sujet assez… tabou dans la famille Ryû N’Nedra, même après la mort de la mère qui n’avait pas eu d’autre choix que de prendre cette voie peu glorieuse pour survivre et apporter un peu d’argent à ses deux filles – dont une était, rappelons-le, infirme. Bref, le seul compliment que Zack lança à Malia fut accueilli par un petit sourire, qui, toutefois, cachait quelque chose de plus menaçant si l’Américain osait aller plus loin comme il l’avait fait avec Ai Vân. Mais bon, l’albinos semblait être enclin à tenir ses promesses, et le fait que Malia soit infirme avait dû influencer son comportement… De ce fait, Ai Vân regardait sa dominante avec une pointe de déception, puisqu’elle aurait bien aimé voir le bel Apollon se faire remballer par la grande sœur d’Irshia… Enfin, on ne peut pas tout avoir, et elle était habituée à cette maxime depuis bien longtemps déjà – depuis sa naissance peut-être même. Mais bon, c’était quand même pas marrant. Et l’asiatique imaginait bien que l’informatrice aurait elle aussi voulu voir Zack se faire envoyer dans les roses en deux temps trois mouvements.

La réaction de Zack lorsque celui-ci avait vu sortir l’informatrice de la salle dans laquelle elle s’était changée et travestie l’avait fait sourire, et elle s’était dit qu’elle appréciait de plus en plus la compagnie du jeune Américain dont la compagnie ne devait jamais être lassante lorsqu’il était le Contractant de quelqu’un… Le regard ambré d’Irshia – alias Shin’Kan – se posa sur le dominant du duo que formaient les deux jeunes hommes, et elle révisa sa pensée. Pour quelqu’un comme Ran, vivre avec quelqu’un comme Zack en l’ayant sur le dos tous les jours ne devait pas être si fun que cela… Enfin bon, chacun son truc, et le chasseur avait l’air de plus ou moins bien s’accommoder à la présence de l’albinos puisque celui-ci était tout de même présent parmi eux sous sa forme immatérielle – l’apparence du dominé reflétait la confiance qui régnait entre les deux Contractants, c’était une information précieuse qu’Irshia avait fini par trouver après de nombreuses heures de réflexion et d’observation. Au moins, on pouvait toujours espérer que le chasseur allait finir par changer un peu de comportement au fur et à mesure que Zack lui apprendrait la sociabilité… Ou pas, puisque la méfiance de Ran devait en partie découler – ou plutôt, entièrement – de la présence de Zack à ses côtés. Alala, que c’était compliqué… L’avantage d’être Rejetée, c’était qu’elle n’avait plus à se soucier de ce genre de problèmes – et elle ne s’en était jamais souciée, puisque ce n’était qu’après qu’elle soit devenue Rejetée qu’elle avait compris de quelle méfiance les Contractors de Vespéria devaient faire preuve. Et puis le fait de se sentir un peu seule n’était rien comparé au fait que Syl avait trahi la confiance de sa dominée, qui avait fait qu’elle avait dû la tuer pour… L’informatrice chassa ces pensées de son esprit, puisque penser au passé n’était pas une chose qu’elle aimait spécialement faire…

* Enfin, si les choses étaient aussi simples… *

Et elles ne l’étaient pas. Seulement, elle ne laissa pas son trouble être perceptible aux regards de ceux qui étaient présents dans la pièce aussi bien matériellement qu’immatériellement. Elle ne s’était pas départie de son sourire, et observait avec amusement le jeune chasseur avoir honte des propos de son Contractant… Décidément, il faudrait le dévergonder un peu, ce jeune homme… Enfin, pour ça, Irshia était sûre de pouvoir compter sur le jeune albinos, qui devait être un cas social lorsqu’il vivait sur Terre. Mais elle se doutait bien que si elle demandait quelque chose à Zack, celui-ci ou son Contractant n’hésiteraient pas à profiter de l’occasion pour lui demander des informations en échange… Or, elle avait déjà assez donné, elle qui n’était pas si généreuse de nature – et puis, elle avait fait cela dans son intérêt, pour gagner un contact sur Hutoo plutôt intéressant. En effet, en plus de la discrétion dont Ran pouvait faire preuve, lui et son dominé pouvaient aussi être source d’information sans qu’il le sache à propos du savoir concernant les Contractors… La Rejetée savait que les relations entre les Contractants pouvaient évoluer, mais certaines choses restaient obscures… Bref, en plus de révéler son aptitude à voir les dominés immatériels, Irshia avait aussi révélé un bon nombre d’éléments, si bien qu’elle hésitait à aller plus loin… Ses capacités ? Ils pourraient bien voir en temps voulu. Déjà que le fait de savoir qu’Irshia et Shin’Kan ne faisaient qu’un était amplement suffisant. Elle avait bien dit ses capacités, mais ses capacités à faire quoi… ? A se travestir, cela faisait aussi l’affaire.

- Ca c’est du compliment, constata l’informatrice avec une légère pointe d’ironie.

Irshia avait espéré qu’elle n’aurait pas à aider Ran dans la procédure, pour que d’une part, ce qu’il devienne corresponde tout de même à ses envies, et que d’une autre part… elle n’ait pas à entrer dans la salle en même temps que le jeune chasseur, qui était un homme, et qui aurait inévitablement besoin de se changer… Malgré sa nonchalance, l’informatrice avait un minimum de pudeur… Enfin, un minimum, un petit minimum, puisque certaines situations avaient requis certaines choses dont elle n’évoquerait pas les détails… Etre informatrice ne consistait pas qu’à avoir la belle vie en narguant tout le monde avec le savoir qu’elle possédait. Pour posséder ce savoir, elle avait bien dû le chercher quelque part… Observant le manège des deux jeunes hommes, le deux sœurs jumelles échangèrent un regard amusé, tout en se demandant elles aussi ce qu’était une poupée Barbie… Ce que Ai Vân ne tarda pas à expliquer brièvement aux deux sœurs, tout en n’entrant pas dans les détails… puisqu’elle n’en avait jamais eu. Et le manège des deux Contractants sembla se prolonger dans la pièce voisine du salon, depuis laquelle on pouvait aisément entendre l’altercation entre les deux jeunes hommes… Allons bon, ils étaient tout de même entre mecs, pas de quoi faire un fromage… Reprenant son sérieux, Malia leva les yeux vers sa sœur cadette et plongea son regard ambré dans celui de l’informatrice, d’une couleur identique.

- Comment vas-tu t’y prendre ? demanda Malia assez doucement pour que les deux jeunes hommes ne l’entendent pas de l’autre côté de la porte.



Pendant le quart d’heure d’attente, les deux sœurs jumelles avaient échangé des propos bien plus sérieux que ceux qui fusaient à l’intérieur de la pièce voisine, et qui faisaient sourire de temps à autre les deux jeunes femmes blondes aux yeux ambrés. Bien entendu, le fou rire de Zack et la perte de patience de Ran étaient ce qui avait le plus amusé l’informatrice, qui se disait encore une fois que la vie des deux jeunes hommes, depuis qu’ils étaient devenues Contractants, devait être assez mouvementée… Lorsque la poignée de la porte s’abaissa, les deux sœurs jumelles se turent pour observer qui sortait de la pièce voisine. Irshia, qui avait pris place sur le canapé, laissa échapper un petit sifflement admiratif, tandis que Malia esquissa un nouveau sourire. Certes, son visage n’avait pas beaucoup changé, mais l’impression générale qu’il donnait était… différente de celle de tout à l’heure. Visiblement, Zack s’était appliqué dans son travail, puisqu’il semblait être fier du ‘nouveau Ran’ qui se tenait dans le salon et qui n’aurait visiblement pas pu se débrouiller tout seul. Irshia se leva du canapé, tandis que Malia resta évidemment à sa place. Ai Vân avait disparu avant que les deux jeunes hommes ne sortent de la pièce, étant retournée dans le corps de sa dominée, sur un accord commun des trois jeunes femmes.

- Ehhh, pas mal ! fit Irshia.

Mais visiblement, Ran était encore inquiet de son déguisement puisqu’il avait apparemment constaté que son visage n’avait pas beaucoup changé. Par contre, il avait un bon réflexe en dissimulant la partie inférieure de son visage, ce qui rendrait encore plus difficile la reconnaissance du jeune chasseur. Et apparemment, ce dernier était prêt à presque tout pour se faire le plus discret possible, étant donné qu’il demandait encore conseil à l’informatrice qui, de bonne grâce, ne rechigna pas à les donner – à vrai dire, elle était tout de même admirative devant le boulot de Zack qui avait su utiliser ce qu’il avait à disposition à bon escient.

- J’pense que c’est suffisant, sois pas si stressé ! Changer d’arme s’rait aussi une bonne initiative, mais là, c’est toi qui voit selon ton budget… Une épée, on doit avoir, mais pas d’arbalète… Maintenant, il manque un dernier élément…

L’informatrice se détourna des deux jeunes hommes et fit quelques pas vers la petite fenêtre du salon, de laquelle toute la lumière qui éclairait la pièce provenait. Les rideaux étaient à moitié fermés, mais cela ne plongeait pour autant pas la pièce dans la pénombre puisque le soleil à l’extérieur était tout de même assez fort, même si sa lueur commençait à décliner en même temps que le jour. Estimation rapide, il devait être quelque part vers cinq heures de l’après-midi. Promenant rapidement son regard ambré sur la rue sur laquelle la fenêtre donnait, l’informatrice constata que l’agitation était légèrement retombée, ou plutôt, était devenue différente. Lors du discours d’Heichi la population de la ville était excitée à l’idée de mener une guerre, était prête à suivre son chef jusqu’au bout du monde. A présent, la réalité de la guerre les rattrapaient et ils se hâtaient de finir leurs préparatifs dans une organisation un peu plus carrée que précédemment. Irshia se tourna vers les trois autres personnes présentes dans la pièce, la lueur dans son regard ayant changé. Elle n’avait plus son regard rieur habituelle, mais un regard posé, celui q’un guerrier qui analysait calmement la situation. Elle ouvrit la bouche, de laquelle s’échappèrent des mots prononcés d’une voix légèrement plus grave que celle qu’elle empruntait usuellement.

- Bien. Ce qu’il vous manque, Ran, c’est le comportement, la façon de vivre, ainsi qu’une identité qui irait de pair avec ce comportement. Posez-vous la question. Qui êtes-vous ? Qu’êtes-vous ? Selon vos réponses à ces questions, tentez d’adopter un comportement qui conviendrait.

Irshia marqua une pause, pendant laquelle elle tira doucement sa lame de son fourreau à l’aide de sa main droite. Le bras tendu, elle plaça sa main à sa hauteur, la lame de l’arme était parfaitement verticale, perpendiculaire au sol et plafond, la pointe vers le haut. Les yeux de l’informatrice se posèrent sur la lame, qui était entourée d’un filament orangé. Son regard ne quittant pas la lame, la Rejetée prit de nouveau la parole, de sa voix toujours plus calme et posée que d’habitude.

- On me nomme Shin’Kan, je suis un guerrier errant obéissant à mes propres convictions. Phoenixia est mon pays natal, et de loin, j’ai entendu les villes de Faolia et d’Uretith s’écrouler sous le poids des armes médiannes. De près, j’ai entendu Monseigneur Kurozaki prendre les armes pour sa patrie. La guerre fait rage, il me faut prendre un parti. Je ne suis ni soldat, ni chasseur, ni forgeron, ni marin, c’est pour cette raison que je me permettrai d’embarquer sur Le Bourrin. Shin’Kan est un surnom. Voulez-vous en savoir plus ? Non, cela sera amplement suffisant.

L’informatrice baissa sa lame, et posa son regard sur les deux jeunes hommes, attendant leurs réactions. Malia quant à elle avait souri devant la prestation de sa sœur, qu’elle aurait aussi bien vu en tant que comédienne qu’informatrice… D’ailleurs, le premier métier était beaucoup moins risqué, mais bon, Irshia avait préféré satisfaire sa curiosité insatiable plutôt que de parcourir Vespéria dans une troupe de saltimbanques…

[ Excuse le temps. Je suis très occupé avec mon propre forum, ces temps-ci. ]

La remarque de Zack sur la sortie de Shin’Kan fit sourire l’informatrice mais elle n’ajouta rien. C’était d’ailleurs la solution que Ran préférait. Zack s’était déjà donné en spectacle plusieurs fois aujourd’hui et ce n’était pas de refus de le voir s’assagir cinq minutes. Hélas, juste au moment où le chasseur se réjouissait de la réaction d’Irshia, l’informatrice laissa échapper quelques petits mots qui firent sourire l’albinos. Forcément, il ne pouvait pas rester neutre face à la pointe d’ironie que venait d’utiliser Irshia.

- Bien sûr que c’est un compliment ! Il ne m’était jamais arrivé de complimenter un homme sur son physique. Enfin… pas de cette manière en tout cas.

En effet, même si Zack était très imbu de sa personne, il reconnaissait parfois que certains hommes n’étaient pas mal non plus. Quand en plus, l’homme en question était une femme déguisée, comme Shin’Kan, la question ne se posait plus vraiment.

Cinq petites minutes après, l’évènement était oublié, l’enthousiasme de Zack à propos de la transformation de son contractant ayant pris le dessus sur le reste. Pas très rassuré, Ran n’avait alors pas eu d’autre choix que celui de suivre l’albinos dans la pièce voisine afin d’être « transformé ». L’opération ne se fit d’ailleurs pas sans accroche, la patience légendaire de Ran ayant fini par atteindre son seuil critique. Heureusement, les conseils de son contractant s’avéraient cependant être plutôt bons et il ne fallut qu’un gros quart d’heure aux deux jeunes homme pour arriver à un résultat qu’ils pensaient satisfaisant. Ils étaient alors sortis de la salle pour se présenter aux trois jeunes femmes qui les attendaient dans le salon. Pourtant, ce n’était bien que deux personnes qui les accueillirent dans la salle voisine, Ai Vân ayant mystérieusement disparu. Zack n’y fit pas attention tout de suite mais son dominant devina qu’elle était retournée dans le corps de sa contractante, qu’il pensait encore être Irshia. Jugeant que cela ne le concernait pas vraiment, le jeune homme était resté indifférent à cette disparition, profitant du moment pour demander quelques conseils supplémentaires à l’informatrice.
En guise de réponse, la jeune femme ne se contenta d’abord que d’un sifflement et un compliment à l’adresse du jeune homme. Gêné d’être dévisagé de la sorte, le rouge vint aux joues du jeune homme, pour la première fois depuis des lustres. Zack trouvait cette réaction très amusante mais préféra ne pas trop le montrer. Après tout, il était déjà suffisamment drôle de le voir se dépatouiller tout seul avec les remarques d’Irshia. Un peu plus et il virerait au cramoisi, ce qui resterait une image gravée dans la mémoire de l’albinos jusqu’à la fin de sa vie.
Pourtant, il n’en fut rien, car Irshia redevint sérieuse et répondit aux attentes du jeune homme. Le chasseur remarqua dans ses propos que l’informatrice semblait s’être méprise sur un point plutôt important. Voyant qu’elle s’apprêtait à lui expliquer quelque chose de plus important encore, le jeune homme se tut cependant, jurant de garder ce sujet de discussion pour plus tard. Puis, sans parler de cela, si Irshia voulait faire de Ran un contact, il valait mieux qu’elle sache où le trouver. Il en profiterait donc pour lui proposer une visite de la ville jusque chez lui, ce que Zack prendrait évidemment avec le sourire.
Cette idée loin d’eux pour le moment, le couple que le Destructeur Céleste formait se surprit à observer le changement radical d’Irshia en « Shin’Kan ». Le moindre détail avait été calculé, de la voix jusqu’à la position du corps, le tout ne pouvant que démontrer combien l’informatrice pouvait être douée dans son travail. L’attitude désinvolte - que Ran avait pris pour sa marque de fabrique - qu’elle avait gardé depuis leur rencontre avait elle aussi disparu, pour la plus grande surprise du jeune homme. Un instant, un certain doute s’installa même dans son esprit. Si elle était capable de la balayer d’un revers de main, cela ne prouvait-il pas que c’était une sorte de façade qu’elle se donnait volontairement ? Enfin, quelle que soit la réponse à cette question, Ran était bien trop occupé à se concentrer sur ce que disait Irshia pour prendre le temps d’y réfléchir vraiment. D’autant plus que cette fameuse réponse n’avait absolument rien à voir avec ce qu’ils faisaient tous ici.
Il lui fallait se poser deux questions. Qui ce nouveau Ran était-il et ce qu’il était. La réponse n’était évidemment pas toute faite et le chasseur se perdit dans ses pensées quelques secondes. Pourtant, en guise d’exemple, Irshia - ou non, plutôt Shin’Kan ; Irshia n’existait plus - dégaina son épée et se présenta à eux. Si Ran était pantois d’admiration devant le travail d’actrice de l’informatrice, Zack n’en était pas moins surpris. La différence entre les deux jeunes hommes se trouvaient cependant dans leur manière de réagir. Le chasseur réfléchissait toujours à ce que venait de dire Shin’Kan quand Zack s’avança en frappant dans ses mains.

- Quel jeu d’actrice, Irshia ! Tu aurais fait un malheur à Hollywood. Si on trouve un moyen de retourner sur terre, il faudra absolument que tu te proposes pour jouer dans un film ! Je deviendrais ton sponsor et on gagnera des millions !

L’albinos était… parti dans son délire. Un délire qui ne pouvait être compris que de lui-même et, si elle écoutait toujours, d’Ai Vân. Il fallait aussi avouer que même s’il avait été en mesure de comprendre, Ran n’écoutait plus depuis le mot « Hollywood ». Il avait discerné l’état d’excitation de son contractant, celui qui précédait toujours ses crises de folie. Aussi, le chasseur s’était de nouveau penché sur ce que venait de dire ou de faire Irshia.
Il fallait se donner une nouvelle personnalité et, surtout, savoir la tenir. Reconnaissant lui-même qu’il était un modèle même de paranoïa et de garçon renfermé, il était simple de changer cela. L’extrême opposé ne devrait pas être trop difficile à faire, s’il prenait un peu exemple sur Zack. En plus, sa constante paranoïa avait appris à Ran à dissimuler ses sentiments, ce qui ne pouvait qu’être utile pour jouer un rôle. Ne manquait que le nom. Et bien…
Sans écouter ce que continuait à dire son contractant, Ran reprit la parole. Sa voix était déjà beaucoup moins calme et se voulait beaucoup plus enjouée, rythmée, que celle qui sortait habituellement de sa bouche.

- Je suis un mercenaire idéaliste de Médiana qui considère que sa patrie a fait fausse-route en s’engageant dans cette guerre. Afin de la terminer le plus rapidement possible et retourner dans le village que j’aime, je me suis joint à la fédération d’Hutoo, luttant pour un salaire misérable afin de récupérer ce qui m’est cher. Un peu naïf, je ne peux m’empêcher de croire que ce que je fais est bien et considère que mes actes peuvent changer le monde de Vespéria, si cher à mon cœur. Quant à mon nom, je suis… Bahal. Bahal Naringam.

Pour achever son dialogue, Ran pencha la tête sur le côté et adressa un sourire tout ce qu’il y avait de plus charmant à l’assemblée présente autour de lui.
Zack, lui, en était bouche-bée. Aussitôt, ses projets d’Hollywood passèrent au second plan et il s’approcha de son contractant.

- Tu vas bien, Ran ? Ce n’est pas possible, tu ne peux pas être le même ! Je ne savais même pas que tu pouvais sourire comme ça ! Tu vas avoir des crampes, tu n’as pas l’habitude !

… Oui, il fallait le reconnaître. Sourire de cette manière donnait à Ran plus l’impression de faire une grimace. Cela dit, si même Zack trouvait cela étrange, le camouflage devait être parfait, n’est-ce pas ? Sans s’arrêter de sourire un peu naïvement, Ran enchaîna, à l’adresse de son contractant.

- Ce n’est pas parce que je ne souris pas souvent que je ne sais pas le faire. Ran n’aime pas le faire car il a l’impression d’être un idiot. La différence, c’est que je ne suis plus Ran. Bahal est un personnage auquel le sourire va bien, non ?

Visiblement, à en déduire avec la tête qu’il faisait, Zack était toujours assez sceptique. L’albinos ne voyait pas comment Ran serait capable de tenir toute une journée dans le corps de celui qu’il appelait Bahal. Pourtant, il fallait avouer que l’impression qu’il dégageait paraissait assez naturelle. Un peu perdu entre ce qu’il fallait penser et dire, Zack tourna la tête vers Irshia.

- Il n’en fait pas un peu trop ?

Ran suivit le mouvement, curieux de connaître l’avis de l’informatrice. Il était vrai qu’il avait poussé le vice à l’extrême mais Irshia elle-même avait beaucoup changé avant de devenir Shin’Kan. Cela dit, si elle avait une meilleure idée le concernant, il était tout prêt à l’entendre.
Mais avant tout, Ran voulait régler un dernier détail avec l’informatrice. Il reprit un visage plus sérieux, tout en s’efforçant de ne pas l’être de trop - histoire de rester dans le personnage, il fallait bien s’entraîner -.

- Avant d’entendre ton avis, je veux juste te préciser que tu n’as pas à me fournir en armes. J’ai déjà une épée et une arbalète chez moi. Elles sont efficaces mais très simples, un genre qu’on pourrait retrouver un peu n’importe où. En parlant de ça, je vis d’ailleurs ici et il serait utile, si je dois jouer les contacts, que tu saches où j’habite. Si l’on revient vivant de cette guerre, je t’emmènerai donc chez moi, si cela ne te dérange pas.

Encore trop perturbé par le changement de comportement de son contractant, Zack n’eut même pas l’esprit de sortir une remarque déplacée sur cette invitation. Son regard était encore vrillé sur Irshia et il attendait une réponse de l’informatrice aux yeux dorées. Un instant, le sourire de Ran fut sincère, que cela se voit ou non de l’extérieur. En effet, s’il avait su que ce genre de comportement de sa part suffisait à obliger Zack à se taire, il l’aurait peut-être essayé plus tôt…

Encore heureux que Zack n’ait pas l’habitude de complimenter les hommes de cette manière… D’ailleurs, les deux sœurs jumelles avaient bien entendu venir de derrière la porte un compliment de Zack à l’égard de son Contractant qui était bien ‘mais tu es super bien foutu toi aussi’… Bon, d’accord, le ‘toi aussi’ devait bien avoir pour but de recentrer le tout sur la petite personne de l’albinos, mais bon… Toutefois, si Irshia avait reçu un compliment de cette même nature de la part du jeune Américain, là aussi, elle se serait inquiétée… Mais bon, après tout, le Contractant de Ran était tellement excentrique qu’il devait concourir hors catégorie et qu’il fallait s’attendre à tout de sa part… Ce qui, parfois pouvait sûrement s’avérer être amusant, même si Ran ne devait pas le voir de cet œil – enfin bon, après tout, c’était le jeune chasseur qui était le mieux placé pour juger son dominé, après celui-ci bien entendu. Enfin bon, Irshia n’avait rien répondu à Zack suite à sa justification, si on pouvait la considérer comme telle… De plus, Zack devait pertinemment savoir que Irshia restait une femme, même en travestie… Sauf si, bien entendu, elle possédait le pouvoir de changer de physique, ce qui n’était pas le cas, et elle n’avait jamais rencontré de Contractor possédant ce genre de pouvoir – enfin, pour le moment. Et Ran ne pouvait posséder ce genre de don puisque si c’était le cas, il n’aurait pas demandé service à l’informatrice, qui avait finalement décidé qu’elle découvrirait les dons des deux jeunes hommes lorsque l’occasion se présenterait pour eux de les utiliser, et non par un échange réciproque d’informations, impliquant la révélation des capacités de la Rejeté. Qui d’ailleurs, possédait un avantage par rapport aux deux jeunes hommes par le fait même qu’elle soit Rejetée et que le chasseur et l’albinos ignorent l’existence de personnes comme elles.

La réaction des deux jeunes hommes suite à la prestation d’Irshia – ou plutôt Shin’Kan – ne se fit pas attendre. Ou plutôt, pour être précis, la réaction de Zack ne se fit pas attendre, puisque Ran semblait être trop impressionné ou on ne sait quoi d’autre pour dire quoi que ce soit – et puis, on commençait à connaître, le plus bavard des deux était sans contestes le jeune Américain plutôt que le chasseur taciturne. Sauf que Shin’Kan ne savait pas trop comment prendre la réaction du jeune albinos. Certes, il avait l’air plutôt agréablement surpris mais… ce qu’il disait relevait de l’incompréhensible, ou presque, pour des Vespériennes qui n’avaient jamais eu droit à un portrait détaillé de l’Amérique de la part de leurs Contractantes. Certes, Hollywood était connu en Chine, mais ce n’était pas pour cette raison qu’Ai Vân en avait parlé à Malia, puisqu’il n’y avait pas d’intérêt à le faire. De toute façon, évoquer les merveilles de l’Ouest ne faisait que renforcer l’amertume d’Ai Vân, provoquée par le fait qu’elle soit née dans les fin fonds abyssaux de la société chinoise. Zack ou Ran auraient pu s’attendre à ce que la jeune asiatique explique tout de même aux deux Vespériennes ce qu’était le soi-disant Hollywood dont Zack parlait, mais il n’en fut rien, il n’y eut aucune intervention de la part de la Contractante de Malia, qui ne prit même pas la peine de s’exprimer par l’intermédiaire de sa dominante. Non pas qu’elle soit offusquée du fait que le jeune Américain avait fait cette allusion précise… Après tout, chacun ses références culturelles. Non, le silence de la jeune asiatique provenait tout simplement du fait que les deux jumelles avaient passé un accord pendant que Zack s’amusait à jouer à la poupée Barbie. Elle ne se montrerait plus en présence des deux jeunes hommes, telle avait été la décision, ce qui n’avait pas dérangé énormément Malia ou Ai Vân elle-même. Bref, l’exclamation de Zack restait incompréhensible pour les deux paires d’oreilles vespériennes féminines, dont les possesseurs devaient bien se douter que l’albinos était parti dans une sorte de délire que lui seul – ou peut-être son Contractant – pouvait comprendre. Film, ouais, c’était compréhensible, sponsor pas du tout, et Hollywood était perdu dans les profondes abysses de l’incompréhension presque générale. Ce que les jumelles avaient compris, c’était qu’il était question d’argent et… c’est tout. Ah, si, peut-être pour engager Irshia en tant que comédienne, mais ce n’était pas sûr. Et qu’il s’agissait aussi d’une sorte de compliment.

- Hollywood… ? fit simplement Shin’Kan en haussant les sourcils.

Même après sa prestation, Irshia restait dans son rôle de Shin’Kan, comme elle avait commencé à le faire avant même de se présenter en tant que guerrier, en commençant par vouvoyer Ran et abandonnant son type d’expression habituel qui consistait à manger une bonne partie des mots – pourquoi s’embêter avec des syllabes supplémentaires alors qu’on se faisait comprendre sans ? – et surtout en ayant pris une voix plus grave. Certes, elle n’était pas comme ceux qui arrivaient à changer littéralement leur voix du grave à l’aiguë ou vice-versa, mais elle savait tout de même se donner une voix plausible pour un représentant de la gente masculine. Enfin bref, il semblait que Ran avait bien vite assimilé les éléments importants dans ce changement subit de caractère dont il fallait faire preuve pour duper les gens… En effet, le jeune homme renfermé et taciturne avait disparu pour laisser place à quelqu’un de plus jovial et plus expressif, et de plus ouvert. Ran avait bien cerné quel genre de personne il était pour imaginer quelqu’un qui serait l’antithèse de sa personne en temps normal… A vrai dire, cela n’était pas bien compliqué, mais il y avait tout de même quelques éléments auxquels il fallait faire attention en dépit de la facilité première du rôle à adopter. Un petit sourire – différent du sourire plus expressif qu’arborait Irshia en permanence – se dessina sur les lèvres de Shin’Kan lorsqu’il constata la surprise du Contractant de Ran. Ou non, plutôt, de Bahal. Bahal, qui correspondait au jeune mercenaire qui n’avait pas encore affronté toutes les duretés de la vie, et qui, par conséquent, se permettait d’avoir un idéal trop grand pour lui, et une pensée naïve, très naïve. Et visiblement, tout cela paraissait un poil trop exagéré pour Zack, mais il fallait dire que ce genre d’individu existait quand même en ce monde – certes, ils avaient une espérance de vie plutôt courte, mais bon.

Avant même que l’informatrice ne put donner son avis, Ran revint sur un élément cité antérieurement par Irshia, à propos de ce que le chasseur pouvait faire pour améliorer sa couverture, son personnage de Bahal. Il semblait que la Rejetée s’était fourvoyé en pensant que Ran n’habitait pas à Zirand, mais dans une île de l’archipel d’Hutoo bien plus loin que cela, puisque nombreux étaient les volontaires venus de l’autre bout d’Hutoo porter leur soutien à leur chef bien aimé. Enfin bon, cela n’était pas fondamentalement grave, puisque les informations que Malia et Ran recueilleraient serait sûrement de nature différente étant donné la condition sociale différente de ces deux-là – ou plutôt, quatre là, mais bon, passons. Enfin, il était vrai que savoir où habitait le jeune chasseur serait un poil plus pratique pour la relation que l’informatrice envisageait – relation contact/informateur, hein, pas autre chose. Certes, elle aurait toujours pu, après cette guerre, se démener avec ses propres ressources pour trouver où logeait Ran, mais lui demander était bien plus facile…

- Eh bien, au temps pour moi, je pensais à tort que vous habitiez plus loin que cela… En tout cas, il semblerait que vous ayez vite assimilé les éléments importants… Bahal. Cela dit, ne vous reposez pas sur vos lauriers pour autant, ce genre de comportement demande autant d’attention que celui que j’ai adopté présentement. Méfiez-vous, ne vous laissez pas emporter par le jeu que vous avez choisi vous-même, qui peut paraître facile aux premiers abords. C’est ainsi que procède Irshia pour se protéger, en dépit de son attitude.

En d’autres termes, cela signifiait que Ran devait toujours être sur ses gardes et ne pas se laisser entraîner par son propre jeu, et ne jamais laisser échapper d’éléments qui pourraient compromettre sa couverture… Bahal étant quelqu’un de plutôt bavard, il devrait d’autant plus surveiller ses propos que Shin’Kan, puisque celui-ci privilégiait le calme et la discrétion. Si Ran était capable de tenir un tel rôle, cela ne posait aucun problème, et si cela le gênait, il pouvait toujours changer… Une fois que la porte de la demeure de Malia serait franchie, les modifications ne pourraient plus vraiment se faire… Ou plutôt, une fois embarqué sur le Bourrin, il serait impossible de se rétracter…

- Avez-vous d’autres choses à ajouter ? Je vous laisse le soin de choisir le moment qui vous paraîtra le plus propice pour me donner ce genre d’informations…

Libre à lui de choisir le moment où il révèlerait l’endroit où il demeurait habituellement à l’informatrice, puisque celle-ci considérait toute information comme capitale…

Trop pris dans son propre délire, Zack ne remarqua même pas qu’il était le seul à comprendre l’allusion à Hollywood. En effet, l’albinos n’avait toujours pas remarqué qu’Ai Vân n’était plus là et n’entendit même pas la remarque orale de Shin’Kan, une remarque qui laissait comprendre qu’il nageait dans un flou total. Le pire, dans cette histoire, c’était que Zack n’avait pas vraiment lancé cela en l’air. Dans sa tête, il imaginait déjà Irshia - ou l’un de ses personnages, comme Shin’Kan - à l’affiche d’un film célèbre. Qu’est-ce qui était le pire ? Savoir que Zack ne blaguait pas ou oser imaginer qu’Irshia se laisserait entraîner dans le monde hollywoodien sans rien dire ?
De toute manière, sans lui laisser le temps de réaliser qu’il parlait pour lui-même, la métamorphose de Ran en Bahal débuta. La surprise de voir son contractant dans cette posture, cet état d’esprit, coupa court à tout ce que Zack aurait pu imaginer du rêve américain. Sa réaction excessive devant le nouveau comportement du chasseur arracha un faible sourire à Shin’Kan et Ran s’étonna de voir que l’informatrice maîtrisait même sa manière de sourire. Avant d’être capable de pareils changements, Ran allait devoir s’entraîner sérieusement. Pour le moment, la seule chose dont il était capable était de maîtriser ses émotions, ce qui, même si ce n’était pas négligeable, n’était pas non plus suffisant. Enfin, si cela était le prix à payer pour garder son identité secrète, il allait sans dire qu’il était capable d’y arriver.
Sans laisser à Irshia le temps de répondre aux questions formulées par l’albinos, Ran profita du moment pour éclaircir un dernier point que l’informatrice semblait avoir mal interprété. Il en profita pour ajouter le détail qui manquait à leur accord. En effet, le chasseur n’avait toujours pas oublié qu’Irshia lui confiait quelques petits trucs utiles à savoir, en échange de quoi il lui fournirait des informations sur ce qui se déroulait dans la capitale. Si en soit le travail n’était pas compliqué, Ran avouait cependant qu’il ne voyait pas vraiment ce qu’il pourrait avoir à dire. Il passait la plupart du temps dans les bois, à chasser pour gagner sa vie. Evidemment, les évènements majeurs comme celui de l’annonce de guerre d’Heichi ne lui passerait pas inaperçu… mais c’était des informations qu’Irshia aurait eu gratuitement, de le bouche de sa sœur. Au final, le seul avantage que le chasseur avait sur Malia était qu’il se mélangeait peut-être mieux à la caste des guerriers. Il serait alors en mesure d’entendre certaines rumeurs que Malia ne pourrait avoir que partiellement. Cela suffisait-il à l’informatrice ? Avait-elle compris que Ran ne pourrait pas grand-chose de plus pour elle ? Ou alors… se pouvait-il qu’elle ait d’autres idées le concernant ? Quoi qu’il en soit, Ran avait promis de l’aider et il tiendrait sa promesse. Le jeune homme qu’il était refusait d’avoir à mentir à quelqu’un comme Irshia, qui venait de l’aider alors qu’elle n’y était pas obligée. Après tout, il ne devait pas être la seule personne à laquelle elle aurait pu demander d’être un contact.
En tout cas, quel que soit ce qu’Irshia en pensait, il n’en était pas moins qu’elle répondit aux doutes de l’albinos en même temps qu’elle donnait ses derniers conseils à Bahal. Ou plutôt, non, c’était à Ran qu’elle les donnait. Elle affirmait qu’il lui fallait faire attention à ne pas se laisser emporter par son personnage. En effet, jouer Bahal obligerait à être plus ouvert, plus bavard. Il fallait cependant faire attention à ne pas trop en dire. Cette réflexion en vint d’ailleurs à lui faire penser à autre chose. Sans s’arrêter d’écouter les conseils de Shin’Kan, son regard dévia un peu sur Zack. Même si Ran pouvait devenir Bahal, l’albinos ne pouvait pas devenir quelqu’un d’autre que Zack. Ce qui voulait dire… que l’américain devrait rester dissimuler à l’intérieur de son corps. Les contractants ne feraient peut-être pas légion dans ce combat mais… Si la présence de Zack suffisait à ce qu’on les retrouve, cela serait nécessaire. Et pourtant, le pouvoir de Zack aurait pu être pratique, particulièrement si le combat se déroulait un jour de tempête. Au final, le combat semblait être ce qui était le plus simple, dans cette idée de guerre. Les détails qui entouraient tout ceci étaient quand à eux nombreux et parfois difficiles à résoudre. Partir au combat avec seulement la moitié de ses capacités se trouvait être un désavantage en soit… mais puisqu’il le fallait.
Ran, ou plutôt Bahal, sortit de ses pensées et ses yeux se concentrèrent à nouveau sur Shin’Kan lorsque celui-ci lui posa une nouvelle question. Elle voulait connaître le lieu de résidence de Ran dès aujourd’hui ? Après tout, pourquoi pas… Qu’elle l’apprenne maintenant ou après ne changeait rien à l’histoire. Il avait juste pensé bêtement qu’Irshia aurait voulu régler certains détails avant le lendemain et qu’elle serait très occupée. Son choix étant fait, Ran ne quitta pas le costume de Bahal - et donc son sourire un peu niais - avant de répondre à Irshia. Il allait profiter de ce petit échange pour s’entraîner à paraître plus enjoué, social, comme pouvait le faire Zack. Le tout était encore une fois de ne pas tomber dans l’excentricité, comme aurait pu le faire son contractant. Sa voix prenait déjà des intonations plus variées, beaucoup moins monotones.

- Tu es vraiment libre ? Je pensais qu’avec tout ce que tu as à faire, tu n’aurais pas le temps ! Tu comprendras aussi que je ne peux pas t’y emmener. Non pas que je refuse la visite d’un ami, il serait juste dommage d’apprendre que le jeune homme bizarre sur le champ de bataille avait un lien avec Ran ! Je n’y retournerais pas avant la nuit tombée.

Son sourire ne quittait pas son visage et il avait commencé à parler aussi bien avec son corps qu’avec sa voix. Ses mains bougeaient au rythme de son dialogue, montant, descendant, faisant des signes bizarres. L’avantage de Ran, dans ce genre de jeu d’acteur, était son sens de l’observation. Il avait passé tellement de temps à observer ses semblables qu’il avait fini par en conclure quel mouvement servait à quoi. Aussi, s’il préférait rester d’habitude très neutre, il lui fallait maintenant faire tout le contraire.

- Mais je peux déjà te dire où ça se situe ! Tout à l’ouest de la ville, près de la sortie qui mène à la forêt, se trouve plusieurs petites maisons. Si, en te rendant là-bas, tu demandes des renseignements sur un chasseur nommé Ran, la popularité du jeune homme l’aura précédé et on t’indiquera le chemin !

En effet, même sans être imbu de sa personne, Ran était parfaitement conscient que sa popularité était monté en flèche depuis qu’il avait découvert l’existence de son pouvoir. Il arrivait maintenant à rapporter de nombreux animaux dans une limite de temps qui paraissait aux yeux des autres comme un record. Evidemment, cela ne paraissait pas spécialement court au couple que formai le Destructeur Céleste. Une main posée sur le sol, un pieu qui en sortait un peu plus loin, et le combat était terminé, sans avoir jamais vraiment commencé. C’était maintenant devenu une habitude et Ran n’utilisait sa lance que lorsqu’il ne voulait pas perdre la main. En résumé, il ne se battait vraiment comme avant que la moitié du temps, histoire de ne pas perdre son niveau de maîtrise.
Pour achever son monologue, Bahal avait hésité à faire un clin d’œil à l’adresse de Shin’Kan mais se ravisa. Ran aurait vraiment eu l’impression de passer pour un idiot s’il l’avait fait. Le petit dialogue qu’il venait de déblatérer résonnait déjà bizarrement à ses oreilles et il lui faudrait faire attention avant d’y être pleinement habitué. Quant à Zack…

- Amenez-moi à l’hôpital, je suis sur le point d’avoir une crise cardiaque !

… Il avait du mal à s’y faire. Puis, comme soudainement pris par un élan de génie, l’albinos se tourna vers Shin’Kan. Il pointa un index menaçant dans sa direction.

- Tu as transformé Ran, avoue-le ! C’est ça, ton pouvoir ! … Ou pas, ajouta-t-il en comprenant l’absurdité de ses propos.

Enfin, élan de génie, c’était peut-être dit un peu rapidement. Zack prenait petit à petit compte des moyens que son contractant était prêt à mettre en œuvre pour préserver sa vie et son entourage. Seulement, pour quelqu’un comme lui, cette dévotion pour les autres étaient anormales, si bien qu’il ne pouvait qu’être surpris d’en être témoin. Voyant que l’américain regagnait son calme au fur et à mesure qu’il réfléchissait, Bahal ne se soucia pas de lui et se tourna vers Shin’Kan.

- Que nous reste-t-il à faire, à présent ? Est-ce que tu as un plan, camarade ?

Dans tous les cas, une chose était certaine : ce rôle risquait d’épuiser mentalement le pauvre Ran. Être si excentrique et si démonstratif ne faisait pas vraiment parti de ses habitudes.

Vraiment libre… Si cela avait été Irshia à la place de Shin’Kan, elle aurait éclaté d’un rire franc et aurait envoyé une boutade au jeune homme dans le même style que celles qu’aurait fait Zack, en d’autres termes, dans le genre ‘libre’ égal ‘célibataire’. Oui, elle était libre, et non, Ran ne l’intéressait pas de ce côté-là. Ce genre de petites choses, elle avait abandonné depuis longtemps, depuis qu’elle avait cessé d’observer les marins du port de la ville de Phoenixia où elle habitait plus jeune, lorsqu’elle hésitait entre lequel ou lequel il fallait voler quelques malheureux poissons – faut dire qu’il fallait éviter de voler les beaux gosses, sinon, c’était pas marrant. Mais bon, être informatrice était plutôt prenant et ce genre de chose devait donc être laissé de côté, d’autant plus que si elle se rapprochait de quelqu’un, elle ne saurait pas si celui-ci serait réellement digne de confiance, puisqu’elle était devenue plutôt connue dans le milieu des informateurs et qu’elle état parfois devenue une cible. Enfin bref, tout ceci resta bien évidemment dans l’esprit d’Irshia, et Shin’Kan ne fit aucune remarque sur l’expression utilisée par Ran, ou plutôt Bahal. Ce dernier avait d’ailleurs pensé juste, que le job d’informatrice était plutôt prenant au niveau du temps, et que parfois, elle était du genre à être pressée… Mais seulement parfois. Irshia était quelqu’un qui prenait les choses avec sérieux mais aussi avec une certaine nonchalance, et de ce fait, elle restait plutôt libre dans ce qu’elle faisait et dans sa gestion du temps. Lorsqu’elle avait envie de faire quelque chose, elle le faisait, point à la ligne. Enfin, si ce quelque chose était faisable, bien sûr… Shin’Kan continuait d’observer le jeu d’acteur que Ran exécutait, son regard ambré notant toutes les actions ou paroles caractérisant le jeune homme qui lui faisait face. Son élocution était beaucoup moins plate que celle de Ran, avec certains accents et intonations donnant un certain rythme aux propos prononcés. Dans un certain sens, Bahal était un opposé de Shin’Kan, qui était quelqu’un de calme et de posé, mais ouvert, à la différence de Ran. Les deux guerriers formeraient donc un duo plutôt complémentaire… Sauf si Ran refusait de faire le voyage en compagnie de l’informatrice.

Ainsi, en dépit de l’ouverture dont avait fait preuve le jeune chasseur en se métamorphosant en Bahal, sa prudence ne l’avait pas quitté, peut-être par instinct ou par la mise en garde de la part de la Rejetée sur la dangerosité d’un jeu aussi expressif. Elle, elle n’avait pas trop de problèmes puisque Shin’Kan n’était pas aussi enjoué et loquace qu’Irshia, même si cette dernière parlait beaucoup pour ne rien dire, ne laissant s’échapper aucune information vitale. Ran avait ainsi comprit que le lieu où il habitait était l’une des informations les plus capitales à son propos, et qu’il ne devait donc pas y remettre les pieds en tant que Bahal… Ce qui risquait d’être légèrement problématique pour le jeune chasseur, puisqu’il devait récupérer les armes mentionnées plus tôt dans la conversation qui lui appartenaient… Mais bon, s’il arrivait à faire preuve de discrétion, peut-être qu’il y arriverait sans trop de mal… Il ne fallait pas oublier que Bahal restait Ran, et que ce dernier avait une légère tendance à la paranoïa, et qu’il ferait ainsi de son mieux pour ne pas compromettre sa couverture tout en se procurant ce dont il avait besoin… Et effectivement, selon les dires de Bahal, il n’allait y retourner qu’une fois la nuit tombée, sûrement pour ne pas être vu des riverains… Riverains, qui, apparemment, avaient l’air de beaucoup connaître le jeune chasseur, dont la popularité ne semblait à être faite. Cela ne faciliterait que plus la tâche si Irshia devait retrouver le Contractor par ses propres moyens… D’autant plus que Ran n’était sûrement pas célèbre à cause de ses dons de Contractors, mais plus par son talent dans quelque chose, la chasse sûrement. Enfin, peut-être que son don l’y aidait mais si c’était le cas, les compatriotes de Ran ne devaient sûrement pas le savoir… En fait, la Rejetée soupçonnait le fait qu’elle soit la première à apprendre l’existence du dominé du chasseur, l’albinos qu’était Zack. En même temps, si elle n’avait pas été Rejetée, elle n’aurait pas su que le jeune homme était en réalité un Contractor… et elle ne se serait pas non plus lancée dans le job d’informatrice. CQFD.

A l’Ouest de Zirand, c’était donc là que vivait Ran, près de la forêt, sans doute pour son job de chasseur. La capitale d’Hutoo était grande, et là où se trouvaient présentement la Rejetée et les deux Contractors était l’un des quartiers au Nord de la ville. L’un de ses autres contacts présents à Hutoo domiciliait lui aussi à Zirand, enfin, même si domicilier n’était peut-être pas le terme approprié. En effet, le bonhomme qui avait perdu son pari était un homme errant, qui ne quittait pas Zirand mais qui ne possédait pas de logement à proprement parler. Peut-être avait-il déjà entendu parler de Ran. En tout cas, avoir un contact de plus dans cette grande ville n’était pas de trop, d’autant plus qu’Irshia n’avait pas eu beaucoup à donner par rapport à ce qu’elle obtenait en échange… Les Contractors étaient des bêtes rares, et avoir l’un d’eux pour contact était on ne peut mieux vouloir, surtout pour une informatrice dont les principales motivations étaient de connaître le fonctionnement des Contractors et la raison pour laquelle de tels liens s’établissaient entre les habitants des deux mondes qu’étaient la Terre et Vespéria. Et puis, si un jour elle avait besoin d’un chasseur on ne sait pour quelle raison, elle aurait au moins quelqu’un expert en la matière… même si elle doutait d’avoir réellement besoin un jour des services d’un chasseur… Pour toute réponse, Shin’Kan hocha affirmativement de la tête, faisant comprendre que tout avait été enregistré. Le regard ambré du guerrier se posa ensuite sur Zack, qui était resté étrangement silencieux depuis quelques minutes. Etait-ce l’emprise du changement de personnalité de Ran qui avait un tel effet sur lui ?

Et effectivement, l’albinos semblait être celui qui était le plus paumé dans l’affaire. Même Malia avait observé avec le sourire aux lèvres les deux ‘guerriers’ jouer leur rôle de comédien, pensant que Ran aussi aurait été pas mal dans une troupe de comédiens, même si cela ne semblait pas être son job – et peut-être même qu’il n’aimait pas ça, au contraire d’Irshia qui aimait faire ce genre de chose. L’exclamation de l’albinos arracha un petit rire à la sœur jumelle d’Irshia, qui ne pouvait s’empêcher de trouver la situation comique, Zack ne devant pas être le genre de personne facile à surprendre, ou en tout cas, à déstabiliser pendant plus de deux minutes. Shin’Kan avait quant à lui esquissé de nouveau un petit sourire, alors qu’Irshia aurait, là aussi, éclaté d’un rire franc. Dommage, l’hôpital était trop loin. Le guerrier s’apprêta à le faire remarquer – il était un brin trop pragmatique – mais se ravisa lorsque le jeune Américain pointa un index menaçant dans sa direction. Quoi ? Qu’est-ce qui lui voulait celui-là ? Petite pensée réflexe de la part d’Irshia. Et devant l’accusation du jeune Américain, Shin’Kan ne put s’empêcher de lâcher un petit rire, différent de celui d’Irshia, tout en mettant sa main devant sa bouche. Le petit fou rire du guerrier continua jusqu’à ce que Bahal s’adresse de nouveau à lui, lui posant une question sur la suite des évènements. L’homme aux cheveux blancs comme neige se força à se calmer et, avant de répondre à Bahal, se tourna vers Zack.

- Ou pas, répéta-t-il, avec un sourire légèrement mystérieux.

La Rejetée reporta son attention sur Bahal. Qu’est-ce qu’ils devaient faire ? Préparer un minimum de vivre au cas où, même si l’informatrice se doutait qu’Heichi avait déjà tout prévu. Et après ? Attendre, c’était tout. Se reposer, s’habituer à son rôle. Peut-être même se balader un peu dans les rues pour que le visage de Bahal ne soit pas totalement inconnu.

- Quelques vivres à préparer, au cas où. Vous pouvez aussi commencer à faire connaître le visage de Bahal au monde, qui, disons, a débarqué à Zirand il n’y a pas longtemps. Peut-être désirez-vous que je vous fasse un peu connaître la ville, puisque je vais aller faire quelques achats pour ce voyage. Je ne vais pas plus déranger Mademoiselle Malia en piquant dans son garde-manger… Qu’en dites-vous ? Quant à ce soir, vous pourrez me trouver à l’auberge ‘La Fleur des Mers’ si vous cherchez un endroit où dormir sans attirer les soupçons, après vous être préparé.

Ran irait sûrement faire ses préparatifs une fois la nuit tombée, mais après, peut-être cela était-il risqué qu’il reste dormir chez lui, sachant qu’il surprendrait peut-être ses proches, qui n’avaient peut-être pas la même méfiance que lui, et qui ignoraient sûrement la raison pour laquelle Ran cherchait à se dissimuler des yeux du monde…

[ Excuse-moi de ce retard et de la médiocrité de mon post.
J'ai subi une lourde panne d'inspiration ces deux derniers jours. Je poste donc le peu que j'ai réussi à faire pour faire avancer le truc... ]

Comme toujours, Zack avait eu une réaction disproportionnée. Pourtant, cette fois, l’albinos avait réussi à se rendre compte de lui-même de la stupidité de ses propos et il avait fini par se calmer tout seul, arrachant auparavant quelques sourires et rires étouffés à Malia et Shin’Kan. Avec émerveillement, Ran remarqué qu’Irshia était même capable de maîtriser ses manières de réagir primaires, comme son sourire. Lui, de son côté, n’espérait même pas atteindre ce niveau avant la fin de la guerre. Heureusement que sa situation était à l’opposée de celle d’Irshia et Shin’Kan : il était plus facile d’exagérer ses réactions que de les réprimer. Réussir à modérer ses habitudes était une preuve en soi du talent de l’informatrice. Cependant, la question sur sa véritable personnalité existait toujours. Qu’est-ce qui pouvait permettre d’affirmer qu’Irshia et Shin’Kan existaient réellement ? Se pouvait-il qu’une troisième personne - si ce n’était pas plus - habitât le corps de l’informatrice ? Cette question avait déjà fait son bonhomme de chemin dans l’esprit de Ran, même si le chasseur s’efforçait de croire au fait qu’Irshia ne lui voulait pas de mal. Après tout, même si une autre personne habitait ce corps, il n’en était pas moins qu’Irshia et Shin’Kan étaient deux choses que la jeune femme souhaitaient garder secrètes. Dans cet optique, avoir révélé ce secret à Ran était la preuve d’une certaine confiance réciproque, n’est-ce pas ? En tout cas, puisque Zack semblait y croire sans aucun doute, le chasseur consentit à faire confiance à l’instinct de son contractant. Au final, Irshia serait en plus gagnante, puisqu’elle gagnait un contact sur Hutoo. Elle n’avait donc aucune raison évidente de leur jouer un mauvais tour ou de retourner sa veste.
Aussi, lorsque Bahal s’adressa à Shin’Kan, ce dernier préféra d’abord se tourner dans la direction de Zack et laisser planer un certain doute en lâchant une remarque mystérieuse. Quelqu’un de normal aurait probablement pris cette réflexion pour une manière de confirmer que l’informatrice n’y était pour rien. Cependant, Zack ayant un système de pensé bien à lui, son imaginaire partit dans un nombre ahurissant de suppositions plus aberrantes les unes que les autres. Heureusement, trop concentré sur ses réflexions, l’albinos ne pensa pas à faire part de ses idées au reste du groupe. De toute manière, il aurait probablement été cette fois encore le seul à comprendre ce qui pouvait bien lui passer par la tête.

De son côté, Ran était bien content de voir son contractant se tenir à carreau pour le moment. Dans le rôle de Bahal, il en profita même pour demander quelques détails sur ce que la suite des évènements leur réservait. À ce sujet, Shin’Kan était d’ailleurs plutôt inspiré et il parlait de détails auxquels Ran n’aurait jamais pensé. Au contraire, il aurait même été du genre à ne pas se montrer du tout sous le visage de Bahal. Après tout, il n’était dans la peau de cet homme que depuis peu de temps et il n’avait pas encore saisi toutes les subtilités du personnage. Il redoutait un peu les erreurs que son inexpérience pourrait apporter. Et pourtant, si Shin’Kan pensait que c’était la meilleure solution, il n’hésiterait pas à la suivre. « On apprend sur le tas », comme disait l’autre.
Quant à la proposition de l’auberge, Bahal ne pouvait que l’approuver. Il était justement en train de se dire qu’il ne pourrait pas dormir chez lui le soir même quand Shin’Kan avança cette idée. Elle avait décidément un coup d’avance sur tout ce qu’il était nécessaire de faire. On comprenait maintenant comment l’informatrice avait pu se faire un nom dans ce métier. D’autant plus que jusque là, elle n’avait pas encore utilisé son pouvoir. Peut-être était-elle donc capable de grande chose.

En tout cas, après avoir bien pesé le pour et le contre de tout ce qui venait d’être dit, Bahal poursuivit l’échange.

- Je comprends. Si tu penses que c’est la meilleure chose à faire, je te suivrai ! Evidemment, je compte sur vous pour me faire remarquer si je ne parais pas naturel. Contrôler Bahal est quelque chose d’assez éprouvant mentalement, surtout pour quelqu’un comme Ran.

Ce qu’il voulait dire par là n’était pas qu’il risquait de laisser échapper de précieuses informations sans le vouloir. Non, c’était juste qu’il risquait parfois de se laisser à nouveau submerger par la volonté de Ran. Le jeune homme était en effet quelqu’un qui n’aimait pas spécialement jouer la comédie et, qui plus était, n’y était pas du tout habitué. Il avait donc peur de faire quelques bévues qui, il l’espérait, seraient couvertes par Shin’Kan.
Zack, qui avait suivi la discussion d’une oreille, vint se poster à côté de son contractant et son regard se posa sur Shin’Kan. L’albinos avait finalement abandonné l’idée de trouver une explication aux paroles de Shin’Kan, réalisant enfin qu’il n’y avait peut-être rien à en tirer. Pour une fois que Zack réfléchissait sérieusement, cela ne servait à rien… Une bonne raison pour ne pas le faire trop souvent ! Le jeune homme affichait maintenant un grand sourire.

- Dis-moi, Ir… Shin’Kan, se rattrapa-t-il, pour commencer à s’habituer, je n’ai pas tout suivi mais à ce que j’en ai compris… tu as prévu que nous fassions le chemin ensemble ? Je veux dire : je pensais que tu nous aiderais, que tu nous suivrais peut-être de loin, mais je n’imaginais pas que tu nous offrirais de venir avec toi dans une auberge. Est-ce que… nous combattrons aussi ensemble ?

Sur la fin, le sourire de l’américain avait été remplacé par un visage grave, sérieux. Cette question lui tenait vraiment à cœur. En effet, même si le lien qui le rattachait à Ran était plus fort en bien des points et pour bien des raisons, Zack trouvait la présence de Shin’Kan et Ai Vân très agréable. Il aurait été ravi d’avoir un peu de compagnie durant la guerre qu’ils s’apprêtaient tous à endurer, certains pour la première fois.
Bahal, de son côté, n’ajouta rien et attendit la réponse de l’intéressé. Pour le jeune homme excentrique comme Ran, la présence de l’informatrice était plus que profitable. Lui qui était si peu habitué à se battre contre d’autres humains, des semblables… Il ne savait pas encore vraiment comment il encaisserait les massacres qu’il risquait d’orchestrer. La présence d’Irshia, quelle que soit la forme sous laquelle elle se présentait, le réconfortait, en quelque sorte. Qui pouvait assurer que les horreurs de la guerre ne détruirait pas les jeunes hommes que le couple du Destructeur Céleste étaient ?
Et pourtant, malgré la possibilité de perdre le peu d’humanité qu’il restait à leur situation de Contractors, les deux jeunes garçons refusaient de faire demi-tour. L’un avait promis d’aider ses proches, tandis que le deuxième avait juré d’aider son dominant. Ainsi armés de leur promesse, Ran et Zack se jetait donc la tête la première dans les affres de la guerre…

Visiblement, la proposition de la Rejetée avait fait réfléchir Ran, et non pas Bahal. En effet, l’informatrice avait implicitement posé la question au jeune chasseur puisque c’était lui qui jouait le rôle de Bahal et qu’il revenait de sa volonté de le montrer ou non aux yeux des autres. Après tout, depuis le début, Irshia n’avait en rien forcé le jeune chasseur et son Contractant, ils avaient juste fait un marché. Après, les extras venaient avec, et il revenait à Zack et à Ran de décider ce qu’ils devaient faire, et si les conseils de l’informatrice étaient les bons. D’autant plus que se décider à jouer Bahal en milieu extérieur juste après avoir adopté ce rôle pouvait être risqué… Mais c’était ce genre de choses qui plaisait à Irshia, du moment que cela ne compromettait pas ses intérêts d’informatrice. Il ne fallait pas non plus croire qu’Irshia calculait tout à l’avance et élaborait des plans tous aussi compliqués les uns que les autres pour chaque jour de sa vie – même si parfois cela lui arrivait. De temps temps, elle aimait bien vivre au jour le jour, un peu comme elle faisait à présent avec Ran, puisque son intervention n’était pas vraiment prévue dès le début. Et puis, où était l’intérêt de vivre si on prévoyait tout de tout ? Mais bien entendu, ce genre de pensée, elle le dissimulait, puisqu’un informateur n’est pas vraiment sensé se permettre des instants de relâchement… Mais bon, il y avait tout genre de personnes dans ce métier, tout comme on retrouve des pêcheurs consciencieux, des pêcheurs flemmards, des pêcheurs respectueux de la nature, etc… Et puis, actuellement, Shin’Kan était encore moins du genre à faire de l’improvisation qu’Irshia, alors autant ne rien dire à Ran… De toute façon, le guerrier taciturne couvrirait Bahal si ce dernier faisait des bêtises… dans tous les sens du terme. Le jeune chasseur ne devait pas vraiment être habitué à jouer de telles comédies, alors que la Rejeté faisait ce genre de chose depuis un bon moment à présent… - elle n’avait pas fait cela dès ses débuts, mais presque, en découvrant les joies du jeu d’acteur. Surtout que le jeune homme derrière Bahal avait choisi pour sa couverture son exact opposé. ‘Chassez le naturel, il revient au galop’. Il fallait espérer que ce genre de chose ne se produirait pas…

Le regard ambré de l’informatrice se reporta sur le Contractant de Ran alias Bahal, qui venait de prendre la parole. Le jeune Américain était étrangement calme depuis la réplique brève que lui avait lancée Shin’Kan… Pourtant, juste avant que l’informatrice ne lui réponde – si on pouvait appeler cela une réponse – l’albinos était plutôt excité… Peut-être était-ce la réponse en question qui l’avait troublé ? Ce n’était pas réellement le but de la manœuvre, juste une manière d’esquiver la question embarrassante, la Rejetée n’appréciant pas vraiment parler d’elle-même, de ses expériences passées, et notamment du fait qu’elle soit Rejetée à présent, ce qui relevait en partie de sa faute. Mais bon, si elle avait réussi à semer le trouble dans l’esprit de Zack, tant mieux, puisqu’elle préférait cultiver le mystère à propos de sa personne plutôt que de tout déballer d’un seul coup, bien qu’elle considérait Ran et son Contractant dignes de confiance… On n’est jamais trop prudent, et Irshia n’avait de confiance absolue en personne depuis qu’elle avait perdu sa Contractante, dont le sang resterait à jamais sur ses mains. Du coup, les capacités qu’elle désignait alors qu’elle et les deux jeunes hommes parlaient dans la rue étaient belles et bien devenues ses capacités manuelles, et non celles conférées par son statut d’ancienne Contractor… Elle ne mentait presque jamais – voire jamais - par contre, elle jouait beaucoup avec les mots et l’élusion qui était possible à partir de ceux-ci… Dans tous les cas, le détail que le jeune Américain avança était un détail plutôt… embarrassant. Mais à justifier, c’était vrai.

Œil pour œil, dent pour dent. C’était son unique justification, puisque les deux jeunes hommes ne comprenaient sûrement pas que le service qu’ils lui rendraient après la guerre était vraiment conséquent pour elle. La raison pour laquelle elle était devenue informatrice était de découvrir le pourquoi du comment de l’apparition des Contractors sur Vespéria. Toutes les informations qui rapportaient à ce sujet valaient pour elle de l’or, même si tout le monde, excepté sa sœur, l’ignorait – sinon, on aurait facilement pu la faire chanter. Aussi s’était-elle décidée à ne rien dire sur la véritable valeur du service que lui rendaient Ran et Zack en acceptant de devenir l’un de ses contacts, ceux-ci n’appréciant peut-être pas de servir de spécimen d’observation pour Irshia… Enfin, cette dernière les considérait tout de même comme des hommes, et elle ne répèterait pas les mêmes erreur que ceux qui l’avaient persécutée avec sa Contractante Syl lorsqu’elle était plus jeune. Pour en revenir à la question de Zack – qu’il avait posée avec sérieux plutôt surprenant venant de sa part – elle ne serait de toute manière pas obligée d’expliquer pourquoi elle faisait tout cela. C’était triste à dire, mais elle profitait tout de même de la naïveté de ces deux jeunes hommes pour protéger ses propres intérêts, même si le duo de Contractants qu’elle avait devant ses yeux n’était pas les premiers que l’on aurait appelés ‘naïfs’. La question portait plus sur l’avenir que sur la raison même des actes. Le regard ambré de Shin’Kan se posa tout d’abord sur Bahal, puis sur Zack.

- Nous verrons,répondit-il simplement. Tout dépend de ce que Monseigneur Kurozaki attend de moi, ainsi que de l’organisation de l’armée d’Hutoo. Il est toutefois clair que nous embarquerons à bord du même bateau et que, de ce fait, nous serons forcément amenés à nous croiser, voire même à rester ensemble, tout dépendra des circonstances. Quant aux champs de bataille, je ne puis être plus précis, puisqu’une fois l’affrontement engagé, une certaine confusion s’installe, bien que les chefs de l’armée tentent de garder une certaine cohésion dans leurs rangs, ce qui va être d’autant plus difficile puisque Monseigneur Kurozaki a appelé des civils à faire la guerre. Néanmoins, je peux vous dire que cela embêterait certains si Bahal venait à mourir…

En d’autres termes, Shin’Kan tenterait, sur le champ de bataille, de garder un œil sur Bahal, afin que celui-ci ne se fasse pas tuer bêtement, et que tous les intérêts de l’informatrice s’envolent avec la mort du jeune homme. Si cela arrivait, Zack deviendrait un Rejeté immatériel, mais bon, ce n’était pas pour arranger les choses… bien qu’un cas particulier comme celui-ci aurait intéressée Irshia. Mais il fallait plutôt se pencher sur le cas général avant de se pencher sur le particulier… Quant au fait que Shin’Kan accompagnerait ou non Bahal tout le long du parcours maritime, il fallait voir si le grand chef ne souhaitait pas s’entretenir avec Irshia de temps en temps, ou si les différentes tâches qui seraient assignées à bord n’amèneraient pas les deux soi-disant guerriers à se séparer…

- Bon, allons-y. Je vous souhaite une bonne fin de journée, Mademoiselle Malia, fit Shin’Kan en s’inclinant.

Suite à cela, l’homme aux cheveux blancs se dirigea vers la porte, suivi par Bahal. Ils effectuèrent le même parcours que celui effectué pour parvenir à l’appartement de Malia, tout en prenant le soin de fermer derrière eux, et ils se retrouvèrent quelques instants plus tard dans la rue adjacente à celle qui longeait la demeure de Malia. Même lors du départ de Shin’Kan et de Bahal, Ai Vân ne s’était pas montrée, et Malia avait exécuté un discret signe d’au revoir à l’adresse des deux prétendus guerriers qui allaient, le lendemain, embarquer pour une guerre contre Médiana… Sûrement que Ran et Zack penseraient que la Contractante d’Irshia ne se montrait tout simplement pas par mesure de prudence… Les deux hommes en apparence rejoignirent l’une des grandes artères de la capitale bordée par différents commerces, boutiques et étals, allant de la vente d’armes à la vente de babioles, autrement appelées souvenirs. Shin’Kan s’approcha d’un étal sur lequel étaient exposés fruits et légumes. Le panonceau devant l’étal indiquait ‘vente de divers consommables’. Lorsque le regard ambré du guerrier se posa sur le panonceau, il ne put s’empêcher d’esquisser un petit sourire. Le vendeur ne s’embarrassait pas avec les détails… Ce dernier d’ailleurs finissait de traiter avec un autre homme qui semblait lui aussi être un guerrier. Encaissant quelques pièces, le vendeur posa son regard bleuté sur Shib’Kan et Bahal, un sourire éclairant son visage.

- Waw, Shin’Kan, ça f’sait longtemps ! Comme d’habitude alors ?

Encore une connaissance de l’informatrice. Enfin, non, pas une connaissance d’Irshia elle-même, mais de Shin’Kan. En effet, ce vendeur ne connaissait même pas la jeune femme blonde au regard ambré qu’était l’informatrice Irshia, puisqu’il ne l’avait jamais rencontrée. Il s’était toujours retrouvé face à Shin’Kan lui-même, ou face à d’autres personnes disant venir de la part de Shin’Kan, ou étant les connaissances de Shin’Kan. Inutile de préciser qu’à chaque fois, ces personnes étaient toujours au fond la même, celle que le vendeur n’avait jamais rencontrée, Irshia.

- Oui, comme d’habitude s’il vous plaît, répondit Shin’Kan, qui était visiblement un habitué. A vrai dire, je reviens de Phoenixia, je suis arrivé tout juste pour le Rassemblement.

Là encore, aucun mensonge dans les propos de la Rejetée. Elle était bien ‘revenue’ – n’ayant pas vraiment de domicile, elle employait ce terme comme elle le voulait – à Hutoo par le biais de Phoenixia, au sein duquel elle avait en partie passé la semaine écoulée entre sa rencontre avec Heichi et le Rassemblement ordonné par ce dernier. Et elle était arrivée à Zirand le jour même.

- Haha, toujours aussi réservé Shin’Kan ! s’exclama le vendeur tout en fouillant dans divers sacs. C’est pas comme ça qu’tu trouveras une femme ! Et vous, qu’est-ce que vous souhaitez acheter ? demanda ensuite le vendeur au jeune Bahal.

Shin’Kan esquissa un petit sourire, mais ne répondit pas à la boutade du vendeur. De une, il avait toujours fait comme ça, et de deux, Irshia aurait un peu de mal à se trouver une femme… Et puis, Shin’Kan était un guerrier errant, alors une femme… Ceci dit, là n’était pas le plus important. L’informatrice allait avoir l’occasion de voir les premiers pas de Ran dans le rôle de Bahal…

[ Niarf. Nouveau bug du fofo’ : je n’ai vu ta réponse qu’il y a deux jours. Excuse ^^’ ]

L’intervention de Zack ne passa pas inaperçu. Pour une fois qu’il posait une question pertinente, ce n’était au moins pas pour des prunes. Après tout, même Shin’Kan sembla réfléchir à la question. De son côté, Ran - et non pas Bahal, même si le chasseur essayait de garder une posture digne du mercenaire idéaliste - en déduisit qu’elle faisait le tri dans ce que le soldat en face de lui pouvait dire et devait dire. Au fond, la question de l’albinos avait en effet été plutôt large et c’était à Shin’Kan de choisir ce qui méritait d’être dit. Après tout, chacun ses secrets. Ran lui-même ne lui avait pas tout dit d’entrée de jeu. Certes, l’informatrice que le soldat cachait trouverait facilement tout ce qu’il y à savoir sur lui, le fait étant qu’il était difficile d’être plus honnête que lui, un jeune homme sans affaire louche en dehors de son état de Contractor. Enfin, tout cela pour arriver au moment bien précis où Shin’Kan posa son regard sur Bahal, puis Zack, et répondit.
Cette réponse, sans être celle que l’américain attendait de tout cœur, avait le mérite d’être plutôt engageante. Ainsi donc, si le voyage se ferait surtout en fonction de l’avancement des opérations, Shin’Kan veillerait tout de même à ce qu’il n’arrive pas de trop grand malheur à « son nouvel ami », Bahal. Quelle que soient les raisons qui pouvaient pousser à un raisonnement pareil, les deux jeunes hommes étaient d’accord pour dire que c’était une bonne nouvelle. Avoir un vétéran de la guerre comme Shin’Kan qui les couvrait ne pouvait qu’être de bonne augure. Après tout, même si Irshia n’était pas faite pour la guerre de part son métier d’informatrice, une intuition poussait Bahal à croire que les talents d’acteurs de la jeune femme étaient parfaits, et ce jusqu’au moindre petit détail. Il fallait donc en déduire que le rôle de soldat était joué lui aussi jusqu’au bout et que Shin’Kan avait de l’expérience en matière de combat et, peut-être même, de guerre.

- Merci, Shin’Kan, conclut Zack. J’avais peur que notre cher… Bahal fasse une bêtise. Il est si… bizarre. Enfin, savoir que tu nous donneras un coup de pouce est une bonne chose.

Décidément, Zack se faisait difficilement au personnage que jouait Ran. Enfin, il devrait s’y faire ; c’était parti pour durer encore pas mal de temps. Alors que Bahal allait à son tour remercier l’intérêt de Shin’Kan pour sa petite personne - que le soldat soit intéressé ou pas ne changeait rien au résultat, au final -, ce dernier prit la parole en parole, annonçant d’emblée qu’ils allaient quitter les lieus. Prenant la suite de l’informatrice déguisée, Bahal attendit d’être tout près de le porte pour se tourner et adresser un radieux sourire à Malia.

- Au revoir, mademoiselle ! Merci encore pour votre hospitalité. Je suppose que nous serons amenés à nous revoir, puisque j’ai fait un contrat avec votre ami. De plus, je vous laisse ma lance jusqu’à ce soir. Je reviendrais la prendre à la tombée de la nuit avant d’aller chercher mes armes de remplacement. À plus tard, donc !

Alors que son contractant passait la porte à la suite de Shin’Kan, Zack en profita à son tour pour saluer la sœur d’Irshia et emboîta le pas - façon de parler, puisqu’il était toujours sous forme spectrale - à ses deux collègues. À peine arrivé devant la porte d’entrée de la maison - et non pas de l’appartement -, Bahal se tourna vers son contractant et lui adressa le même sourire que celui réservé quelques secondes plus tôt à Malia.

- Je sais que ça ne te plaît pas mais tu vas devoir disparaître. Nous allons retourner en territoire dit hostile et je ne voudrais pas que certains volontaires dans la foule de gens venus ici t’aperçoivent. Si tu restes calme, je te laisserai sortir à la première occasion, promis !
- Ran… Tu me fais peur, quand tu es comme ça.

En réponse à cette affirmation, Bahal se contenta de continuer de sourire, suite à quoi un long soupir s’ensuivit. Puisqu’il n’avait pas le choix et pas vraiment son mot à dire, Zack redevint invisible aux yeux de tous. Le mercenaire dut alors faire quelques mètres au pas de course pour rattraper Shin’Kan. Réfléchissant vite à la manière la plus appropriée de jouer son personnage, Ran adopta une manière de marcher assez nonchalante, très différente de celle qu’il avait l’habitude d’utiliser. Il faisait aussi semblant de s’intéresser à tout ce qui l’entourait, comme si c’était la première fois qu’il découvrait ce paysage. Il s’autorisa même un sourire ou deux lorsqu’ils croisèrent certaines personnes qui les dévisageaient.
Et enfin, comme l’avait annoncé Shin’Kan un peu plus tôt, les deux protagonistes débarquèrent dans un endroit bondé de monde, là où se regroupait de nombreux commerces. Visiblement habitué à l’endroit, Shin’Kan se dirigea directement vers un étal qui semblait tout particulièrement spécialisé dans les vivres. Finissant d’abord d’encaisser l’argent d’un client arrivé avant eux, le vendeur reconnut Shin’Kan aussitôt que ses yeux se posèrent sur lui. Sans y participer, Bahal observa l’échange entre le guerrier et le marchand. Vraisemblablement, les deux jeunes hommes se connaissaient relativement bien, puisque le vendeur se permit même une petite remarque qui ne fit qu’agrandir le sourire de Bahal. Il en vint même à se demander si le marchand connaissait l’existence d’Irshia. Était-ce une ruse que de dire que Shin’Kan aurait du mal à se trouver une femme ? Si ce n’était pas le cas, le négociant ne pouvait pas savoir à quel point il avait raison. L’informatrice ne risquait pas de se trouver une femme ! Encore que cela n’était pas vraiment interdit. Après tout, elle faisait ce qu’elle voulait, non ?
Enfin, le vendeur s’intéressa à Bahal et Ran fut forcé de réfléchir à toute vitesse pour chercher la meilleure explication à sa présence ici, en compagnie de Shin’Kan.

- Excusez-moi, je ne me suis pas présenté ! Je m’appelle Bahal et je prendrais… la même chose que Shin’Kan ! En fait, pour tout vous avouer, je suis tout nouveau ici et je remercie déjà le ciel pour m’avoir fait tomber sur mon ami ici présent, ajouta-t-il en donnant une petite tape dans le dos du guerrier à ses côtés. Je suis là pour le rassemblement mais je me suis perdu… La ville est tellement grande comparée à mon petit village ! Je vais donc faire confiance à Shin’Kan, qui a l’air d’être un habitué, puis vais vous prendre la même chose !

Bavard, mais pas trop. Les mensonges s’accumulaient de manière plus ou moins plausibles et Ran n’avait pas l’impression d’en avoir trop fait. Le mieux serait qu’il trouve vite le nom d’un petit village dans Médiana, dans le cas où on viendrait à lui poser des questions. Irshia pourrait peut-être lui sauver la mise, une fois encore, en lui donnant tous les renseignements nécessaires.

Sans savoir donc ce qu’il avait commandé, Bahal commanda la même chose que son ami Shin’Kan, puis les deux jeunes hommes se séparèrent du vendeur amical quelques petites minutes après. N’étant pas du genre à traîner en ville sans raison, Ran ne faisait que suivre Irshia, concentré comme jamais pour ne pas laisser sa nature première reprendre le dessus. Cet effort commençant cependant à lui peser, Bahal s’approcha de Shin’Kan pour s’informer de leur destination future. Plus vite ils seraient dans un coin tranquille, plus vite il pourrait reposer les pauvres muscles de son visage. Comme l’avait si bien fait remarquer Zack, Ran n’allait pas tarder à avoir des crampes, si cela continuait ainsi.

- Qu’est-ce qu’on doit faire, maintenant ? Il faudrait peut-être acheter quelques plantes médicinales, au cas où ? Je n’ai pas vraiment l’habitude de faire ce genre de choses mais j’aime bien savoir où on va !

Finalement, il ne mentait pas tant que cela. Il n’avait vraiment pas l’habitude de partir en guerre et il n’avait aucune idée des choses à faire avant de partir. Sans quitter Shin’Kan des yeux tout en avançant, Ran chercha dans les yeux ambrés un indice qui lui dirait ce qui n’allait pas dans son personnage. Irshia considérait-elle qu’il en faisait trop ou, justement, pas assez ? Décidément, l’avis de l’informatrice lui importait un peu trop. Il lui faudrait vite apprendre à juger de lui-même ce genre de chose, dans le cas où ils seraient séparés. Irshia ne serait pas toujours là pour le surveiller. Hélas, il n’avait que peu de temps pour bien comprendre les ficelles du métier. Heureusement, les gens se fiaient souvent à leur première impression. En effet, si tout le monde était comme Irshia, nul doute que Ran aurait été découvert en moins de dix minutes.

[ J'ai essayé de faire avancer un peu le truc mais je ne suis pas sûr que ce soit très efficace... >< ]